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L'irlandais

Maurice Gouiran

Jigal

  • Conseillé par
    8 juillet 2018

    Zach Nicholl -dit l'Irlandais-, à peine sexagénaire, peintre travaillant et vivant à Marseille, est retrouvé dans son atelier le crâne fracassé. Sans être un intime de Clovis Narigou, journaliste de son état, ils se connaissaient. Aussi lorsque Aileen, la veuve, demande à Clovis de l'accompagner à Belfast pour enterrer Zach, celui-ci accepte avec l'envie de faire un reportage sur les ex de l'IRA, et surtout tenter de comprendre pourquoi l'Irlandais est venu en France et peut-être même élucider les raisons de son assassinat.

    Remarque liminaire à ma chronique. J'aime bien Clovis Narigou, que je suis depuis un moment et dont je n'ai appris que récemment qu'il était le "double" de l'auteur, vu que les prénoms se ressemblent et que les deux noms sont des anagrammes, c'est même l'auteur lui-même qui l'a dit alors... et j'aime sa bergerie La Varune, isolée sur les hauteurs de Marseille. Je me suis même pris plusieurs fois à rêver d'y passer du temps, tranquille, sans les bruits de la ville, juste la nature, un feu de bois et des bouquins (en fait, j'ai cherché ce genre de location pour cet été, avec en tête l'image que j'ai de la bergerie de Clovis, sans trouver). La tranquillité, c'est ce qu'a fait le journaliste tout l'hiver qui précède cette histoire. Même Emma la fliquette-punk avec qui il partage son lit -et est sans doute plus que ce qu'il veut bien s'avouer- n'a pas pu l'en faire sortir, ni même monter à la bergerie. Alors, lorsqu'il sort enfin de son hibernation, la mise en route est un peu longue. C'est un peu mon -petit- reproche : le livre tarde à vraiment démarrer, là où Clovis m'avait habitué à prendre ses sujets de reportage à bras le corps dès le début de son aventure, des thèmes souvent durs, complexes qu'il sait parfaitement nous décortiquer ("L'Hiver des enfants volés", "La Mort du scorpion", "Les Vrais Durs meurent aussi", "Maudits soient les artistes"). Là, il tergiverse. Certes, à Belfast le sujet des Troubles est encore chaud (un peu comme si l'on allait parler des "Événements" en Algérie), mais j'ai senti qu'il était un peu fatigué, Clovis. Heureusement, après une première partie un peu molle, l'histoire s'emballe enfin. Je ne regretterai donc pas La Varune dans laquelle Clovis ne sera pas beaucoup présent, car les pubs et les paysages irlandais ne sont pas mal non plus. Le suspense monte -néanmoins, on n'est pas dans un thriller pétaradant et haletant- sur fond de guerre IRA / armée anglaise ou même entre les factions de l'IRA.

    Si je connaissais un peu la question irlandaise, j'ai appris encore, notamment sur ces hommes qui peignaient sur les murs la lutte contre les Anglais, qui se faisaient parfois tirer dessus par des snipers du camp d'en face et parfois tuer, mais qui continuaient à peindre ; sur le rôle des femmes irlandaises souvent cantonnées aux tâches ménagères et à l'éducation des enfants et qui, lorsqu'elles se mettaient en tête de faire comme les hommes, étaient mal vues et injuriées.

    Pour résumer ,après un début dans lequel Clovis reprend ses marques tranquillement, le charme du journaliste et de ses enquêtes agit pleinement, encore une fois plongé dans une page de l'Histoire un peu oubliée et pourtant importante, dans un "pays [qui] est une terre de secrets" (p.187) et donc dans lequel il faut donner de sa personne pour se faire accepter et collecter des informations.