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Le Bal du comte d'Orgel
EAN13
9789999997515
Éditeur
NumiLog
Langue
français

Le Bal du comte d'Orgel

NumiLog

Livre numérique

  • Aide EAN13 : 9789999997515
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Il parla. Il parla simplement. Cette simplicité choqua d'abord le comte
d'Orgel, comme une exclusion. Il n'avait jamais pensé que quelqu'un pût dire :
« J'aime le feu. » La figure de Mme d'Orgel, par contre, se mit à vivre. Elle
était assise sur la banquette de cuir qui surmontait le garde-feu. Les paroles
de François la rafraîchirent comme un envoi de fleurs sauvages. Elle ouvrit
les narines, respira profondément. Elle desserra les lèvres. Tous deux
parlèrent de la campagne.

François, pour jouir davantage du feu, avait approché son fauteuil, posé sa
tasse de café sur la banquette où était assise Mme d'Orgel. Anne, accroupi par
terre, face à cette haute cheminée, comme devant une scène d'Opéra, se taisait
aussi docilement que s'il n'eût jamais fait autre chose.

Que se passait-il ? Pour la première fois de sa vie, Anne d'Orgel était
spectateur. Il goûtait leur dialogue, non pas pour ce qu'il exprimait, mais
plutôt pour sa musique. Car la campagne restait lettre morte pour le comte.

Il fallait à la nature une protection royale pour qu'il lui trouvât du charme.
Il ressemblait à ses ancêtres pour qui, hors Versailles et deux ou trois lieux
de ce genre, la nature est une forêt vierge, où un homme bien « ne se hasarde
pas ».

En outre, pour la première fois, Anne d'Orgel voyait sa femme hors de son
soleil, de ses préoccupations. Il lui en trouva plus de saveur, comme si elle
eût été la femme d'un autre.

– Quel dommage, Anne, que vous n'ayez pas les mêmes goûts que moi, dit Mme
d'Orgel, animée par ce dialogue.

Aussitôt elle se calma et sa phrase lui apparut comme dite à la légère, une
bévue sans signification. Or ces mots, qu'elle n'avait jamais prononcés, ni
même pensés, étaient pourtant significatifs. La différence entre Anne et
Mahaut était profonde. C'était celle qui au cours des siècles opposa les
Grimoard aux Orgel comme le jour à la nuit – cet antagonisme de la noblesse de
cour et de la noblesse féodale. La chance avait toujours souri aux Orgel.
Ainsi, quoique de petite noblesse, ils étaient parvenus, sans qu'ils y
aidassent, à bénéficier de leur homonymie avec les Orgel dès longtemps
éteints, dont le nom se retrouve souvent dans Villehardouin à côté de celui de
Montmorency. Ils réalisaient le type parfait du courtisan. Leur nom était en
première place.

On pouvait donc être fort surpris des extraordinaires mensonges du comte
d'Orgel, destinés à souligner sa gloire certaine. Mais pour lui mensonge
n'était pas mensonge; il ne s'agissait que de frapper l'imagination. Mentir
c'était parler en images, grossir certaines finesses aux yeux des gens qu'il
jugeait moins fins que lui, moins aptes aux nuances. Un Paul s'étonne de ces
impostures naïves. Le comte d'Orgel ne négligeait même point le mélodrame. La
cave de son hôtel lui semblait un décor particulièrement propice, comme si
dans ses ténèbres on pût moins bien distinguer le faux...
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