www.leslibraires.fr
Ce qu'il reste de moi, roman
EAN13
9782809802344
ISBN
978-2-8098-0234-4
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
Roman français
Nombre de pages
200
Dimensions
23 x 14 cm
Poids
244 g
Langue
français
Code dewey
843

Ce qu'il reste de moi

roman

De

Archipel

Roman français

Trouvez les offres des librairies les plus proches :
ou
entrez le nom de votre ville

Offres

  • Vendu par Démons et merveilles
    État de l'exemplaire
    Légères marques de lecture et/ou de stockage mais du reste en bon état d'ensemble. envoi rapide et soigné dans une enveloppe à bulle depuis la France
    Format
    22x14x2cm. 2010. Broché. 159 pages.
    6.00 (Occasion)
www.editionsarchipel.com

Si vous souhaitez recevoir notre catalogue
et être tenu au courant de nos publications,
envoyez vos nom et adresse, en citant ce livre,
aux Éditions de l'Archipel,
34, rue des Bourdonnais 75001 Paris.
Et, pour le Canada, à
Édipresse Inc., 945, avenue Beaumont,
Montréal, Québec, H3N 1W3.

eISBN 978-2-8098-0917-6

Copyright © L'Archipel, 2010.

Mémoire : aptitude à conserver et à restituer des choses passées

Voilà. Je m'appelle Louise et j'ai vingt et un ans. J'arrive à Paris. Le vent me glace les joues. Pour bagages, je n'ai que quelques vêtements tassés à la hâte dans une valisette noire, une brosse à dents et quelques effets personnels : une photo de ma mère, une fleur séchée aplatie entre deux pages d'un bouquin, les Contes de Tim Burton, un sweat à capuche. J'ai aussi quelques billets dissimulés par ma mère dans une de mes chaussettes. Maman faisait toujours ça je crois. Elle va me manquer. L'homme qui m'a entraînée dans ce petit appartement de l'avenue de Saint-Ouen est plutôt gentil. Nous sommes quatre filles à le partager, mais je préfère rester dans mon coin. Elles me font un peu peur.

Je sais pertinemment ce que je suis venue faire ici. Il me faudra faire des choses aux garçons, pour gagner de l'argent. Ce sera la première fois. Ce qui me paraît étrange vu que, depuis toutes ces années, je me demande à quoi va ressembler cette fameuse première fois. Je n'imaginais pas du tout que cela se passerait comme ça. Je suis curieuse de savoir.

Comme on me dit d'aller faire un tour, je me retrouve seule dans la rue. Tout est très différent de ce que j'ai connu jusqu'alors. Je vois des gens pressés et je sens une odeur nauséabonde, sans nul doute la pollution. De nombreuses automobiles klaxonnent à tout instant. Tout me paraît hystérique. Des guirlandes lumineuses baignent les vitrines, de petits Pères Noël sont accrochés aux immeubles de béton. Et j'erre plus seule que jamais, même si je suis consciente d'avoir décidé d'être là...

Comme je ne suis pas trop moche, paraît-il, je devrais me faire pas mal de fric. C'est Tom qui l'a dit : j'ai « un joli petit minois », à moi d'en profiter. Je pense que mon mac, c'est forcément lui. Je vais sûrement devoir lui verser un pourcentage sur les recettes. J'ai la peau claire, de hautes pommettes, de grands yeux bleus que je trouve disproportionnés, et des petits seins. Ni grande ni petite, je suis plutôt maigrichonne ; je n'ai pas pris de vrai repas depuis un bon moment... Je préfère rentrer, sinon mes mains risqueraient de se briser sous l'effet du froid.

De retour à l'appartement, Tom semble m'attendre. C'est un homme grand et au corps robuste, avec de larges épaules et de longues mains. Je pense au moment où il ne manquera pas de me balancer une gifle. Je risque de la sentir passer ! Mais pour le moment il se montre courtois, presque trop. Il m'a apporté un sandwich délicatement emballé, mais j'évite de mordre aussitôt dedans. J'aimerais autant éviter de passer pour une morfale, une crève-la-faim, alors que je salive déjà à l'idée de croquer à grosses bouchées dans ce pain tendre. Il m'explique que je vais commencer sur le trottoir vers 18 heures et que je dois m'habituer au froid. À l'évidence, l'anorak manque de sensualité ! Il me tend également un petit sachet où je découvre une chemise rouge transparente. Je n'ose lui demander si je peux mettre un manteau. Je ne l'avais pas aussitôt remarqué, mais un autre présent m'attend : une culotte rouge assortie. Il me dit que les filles m'aideront à me préparer et je reste muette à l'écouter, comme si aucun son n'était encore jamais sorti de ma bouche. Il fait de brèves présentations à la cantonade : « Lya, Claudia, tes colocataires. » Je n'ai même pas saisi qui est qui, mais je vais vite le comprendre. Tom part et ne doit revenir que le lendemain.

Une des filles s'approche de moi. Très belle, elle a les ongles des orteils vernis avec précision, et elle sent vraiment très bon. « Je m'appelle Lya », lâche-t-elle en me serrant la main. Elle dit qu'elle va m'aider, mais je me demande ce qu'elle va bien pouvoir faire. Je suis tellement tentée de la harceler de questions : « Es-tu là pour la même chose que moi ? Toi aussi, t'as eu peur la première fois ? Comment peux-tu sentir si bon ? T'as l'air heureuse. Comment tu fais ? » Pour commencer, elle me dit que je dois me raser jambes et pubis, et que je dois m'épiler les sourcils. Elle lâche même une remarque blessante, en esquissant un petit sourire moqueur : « Des sourcils pareils, c'est pas possible. Il faut me débroussailler tout ça au sécateur ! » Mais je ne peux lui en vouloir, tant j'aimerais lui ressembler. Elle est gracieuse, avec des courbes délicates. Ses longs cheveux se terminent en belles petites bouclettes. Sa peau parfaite et ses yeux sont lumineux. Elle me fait penser à la petite sirène vue dans un conte à la Walt Disney. Un chef-d'œuvre cette fille. Nous ne sommes visiblement pas à égalité face à dame nature. Je me sens pathétique.

C'est bien la première fois que je me rase, et je suis surprise par la douceur de la peau. Tout d'un coup, j'aimerais me raser partout. Je sors de la salle de bains qui n'en est pas une. Elle est sans lavabo, avec une immense bassine jaune faisant office de baignoire. Un pommeau de douche est raccordé au robinet, des produits d'entretien sont mélangés à d'autres destinés à l'hygiène corporelle. Un jour, c'est évident, je vais finir par me laver au détergent pour chiottes. Dans le salon, j'enfile la tunique rouge, profitant d'un instant où les filles ne me regardent pas. Je me sens un peu gênée, mais apparemment cela fait son petit effet. Lya applaudit, puis me tire par le bras et m'assied sur son lit. Elle ouvre une petite trousse et commence à me maquiller tout en m'expliquant quelques rudiments : jamais de rouge sur la bouche, sinon on est ridicule et on en fout partout ; pas trop de fond de teint, ça abîme la peau ; du blush sur les joues pour avoir bonne mine. Elle me vernit les ongles des pieds. On dirait qu'elle a fait ça toute sa vie. D'ailleurs, elle voulait travailler dans la mode, être maquilleuse. À mon avis, elle aurait vraiment pu le faire. J'ai l'impression d'être devenue Cendrillon avant minuit. Ce qui semble effectivement le cas, puisqu'il faut aller travailler, ou comme on le dit dans le jargon : tapiner.

Au moment de descendre, j'ai droit à une petite mise au point. Les traits de Claudia se tendent lorsqu'elle m'arrête dans la cage d'escalier. Elle me met en garde : « Il y a un règlement chez les prostituées. Tu n'embrasses pas. Jamais de pitié en ce qui concerne ton partenaire. Ce qui veut dire : ils payent cash, la maison ne fait pas de crédit, et surtout aucune pénétration sans capote, mais ça c'est évident. » Elle m'explique tout point par point, comme si j'étais une idiote ou une enfant de quatre ans, mais je pense surtout qu'elle me croit d'une grande niaiserie. Elle n'a sans doute pas tort, puisque je n'ai même pas prévu de préservatifs. « Après, tu fais ce que tu veux, c'est ton cul, ton blé. C'est tes oignons », ajoute-t-elle.

Dans la rue, ce soir, il n'y a vraiment pas grand monde. Il faut admettre qu'il fait très froid et que les fêtes approchent. Apparemment, il y a un temps pour tout, même pour s'envoyer en l'air... L'une des deux autres filles discute avec un client, apparemment un habitué. J'aimerais tellement que, pour ma première fois, le garçon ait l'air gentil... L'homme est un peu gras, le ventre en avant comme s'il était enceinte de cinq mois, et il a le cheveu rare. Il s'est pointé comme s'il sortait du bureau pour s'offrir un petit cinq à sept. Il n'a pas l'air méchant, mais il est vraiment laid. Claudia réapparaît une dizaine de minutes plus tard, proposant à Lya et Yasmine d'aller dans un petit snack de l'avenue de Clichy. Dois-je rester seule sur ce trottoir, dans cette impasse sordide ? Je panique intérieurement, mais sans le montrer. Je ne dois pas trop lui plaire. Mais sans que j'aie trop eu le temps de m'apitoyer sur mon sort, Lya me saisit une seconde fois par le bras. Elle porterait une cape qu'elle serait ma Wonder Woman à moi.

Je suis là depuis une journée à peine, et je lui d...
S'identifier pour envoyer des commentaires.