Enfances bretonnes - Mémoires d'une Guingampaise sur les chemins du paradis perdu

Le dimanche, nous allons déjeuner au moulin à fouler. La route passe par Sainte-Croix. C'est là que campent les forains, le long du Trieux. Comme d'habitude, nous, les enfants, nous nous chamaillons dans la voiture. Les parents menacent : « Si vous n'êtes pas sages, on vous vend aux Bohémiens ! » Calme immédiat à l'arrière. Les riverains voient d'un mauvais oeil ces gens basanés qui ne font de mal à personne, bien qu'on les traite de voleurs de poules. Un jour le chef Capelot vient voir notre père, réputé de bon conseil. Le père dit : « Achetez ce terrain à la municipalité, il est inondable, vous l'aurez à bas prix. On ne pourra pas vous expulser. » À quelque temps de là, Capelot revient toquer à la porte. Affaire conclue, merci, la grand-mère est à Carhaix (entendez « au cimetière »). Sa roulotte est à vous. En route pour le paradis perdu de l'enfance.


Comme Marcel Pagnol, Reine Konan apprend à lire au fond de la classe de son père, et comme Proust, à l'heure du repas, il lui faut abandonner à regret ses livres. Sa mère l'inscrit à de nombreux concours d'écriture et attise le goût de l'auteure pour la littérature. Pas un Noël ne passe sans qu'on lui offre un livre à dévorer. Elle se plonge dans les aventures imaginaires écrites par Stevenson, Defoe, Kipling et tant d'autres. Pendant les vacances scolaires, elle part en escapades en roulotte ou en voilier autour du monde avec ses parents. Reine Konan garde en tête sa merveilleuse enfance bretonne, relatée dans son premier roman.