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Entretien avec...

Imaginez-vous arriver dans une nouvelle école où vous croisez des trolls, des cyclopes, des démons, des monstres oranges, des profs à tentacules… Bizarre, non ? Imaginez-vous que tous ces monstres deviennent… des super-copains ! Méga-méga-bizarre !

 

Quel a été le procédé narratif utilisé pour la construction de cette BD ? 

 

Pascal Jousselin - Alors c’est simple : on fait cette série à 4. Chacun écrit, dessine et colorie ses propres planches. L’un d’entre nous écrit la première page, il l’envoie aux 3 autres (sous forme de brouillon). Un second écrit alors la suite et l’envoie aux autres et ainsi de suite… et à la fin, on a un livre.

Dans la réalité, c'est un tout petit peu plus compliqué, parce que nous n’écrivons pas les pages dans l’ordre, et qu’on a tendance à partir dans tous les sens au début. Alors, il arrive un moment où il faut, à la fois, qu’on trouve des solutions pour sortir nos héros des situations dans lesquelles on les a mis, qu'on relie les séquences entre elles et qu’on bouche les trous qu’il reste dans l’histoire, et tout ça en respectant le nombre de pages déterminé par tome (60 pages en tout, soit 15 chacun). Mais on se concentre un peu et ça se passe bien.

Ces contraintes ont-elles été propices à la création ? Comment êtes-vous parvenus à faire coexister votre personnage dans l’univers créé par les autres tout en maintenant une continuité ?

 

Lewis Trondheim - Nous avions l’habitude pendant 10 ans de fonctionner comme cela avec l’Atelier Mastodonte dans le journal Spirou. Le tout est simplement d’attraper Nob qui fait mille choses à la fois et il n’a d’ailleurs jamais le temps non plus d’aller aux toilettes !

Pascal Jousselin - Comme l’univers s’est créé au fur et à mesure, chacun y ajoutant sa touche au fil des pages, cela s’est fait progressivement et tout naturellement.

Nob - Ce sont justement ces contraintes qui favorisent la création. On est confronté sans cesse à la nécessité de réfléchir à des solutions, pour des problèmes que l'on n'a pas créés, et ce qui est amusant, c'est que l'on voit aussi que chacun a ses priorités : Jousselin celle de respecter la logique du récit, Obion, de ne jamais se répéter et toujours se questionner, moi-même sur la nécessité de toujours rester compréhensible pour les plus jeunes, et Lewis d'être toujours en avance sur tout le monde. J'ajoute que j'ai quand même le temps d'aller aux toilettes, mais avec Lewis qui frappe à la porte pour savoir si j'ai bientôt fini, ça ne facilite pas le transit.

Obion - C'est un peu comme si on jouait ensemble tout en s'échangeant nos jouets en permanence. C'est très excitant. Les contraintes deviennent vite des perches tendues.
 

Vous avez tous les quatre participé à l’Atelier Mastodonte, série de gags née en 2011 dans les pages du magazine Spirou qui racontait le quotidien d’un atelier fictif avec de vrais auteurs de bande dessinée. Quel a été le point de départ de ce nouveau projet collectif ?

 

Lewis Trondheim - La nostalgie de ce travail collectif. Jousselin nous a envoyé un gag en crayonné de l’époque qu’il venait de retrouver et qu’il n’avait jamais encré. On a souri et poussé un soupir nostalgique. On s’est dit qu’on pourrait refaire Mastodonte, mais avec nous, enfants. Mais comme j’ai 10 ans de plus que les autres, ça n’aurait pas été logique. Alors nous sommes partis sur une école de monstres, avec des enchantements, des démons, et c’était d’un coup beaucoup plus logique.

 

Vous avez chacun imaginé un personnage. Pouvez-vous nous parler de lui ?

 

Lewis Trondheim - Le personnage de Gilbert Mormo est une sorte de monstre, mais on ne découvre qu’au tome 3 quel type de monstre exactement il est et ce que font ses parents. Et visuellement, je voulais faire une sorte de Pokémon/peluche/mignon, mais qui serait sanguinaire.

Pascal Jousselin - Mon personnage s’appelle Groui. Elle ressemble à une petite fille normale, sauf qu’elle redouble depuis 142 ans et qu’elle a une famille bizarre. Pour la créer, je me suis inspiré du mal de ventre que j’avais le jour de la rentrée des classes.

 Nob - Mon personnage est Paul, un petit garçon vraiment normal, c'est-à-dire un humain qui n'a pas de pouvoir, au milieu d'autres espèces fantastiques, dont certaines qui aimeraient le manger. Comme j'ai réalisé la première page du premier tome et que je ne savais pas trop ou on allait, je me suis mis à la place de ce petit bonhomme qui se demandait où il mettait les pieds (et à vrai dire, je suis comme Paul, je me demande en permanence où je me suis fourré).

Obion - Mon personnage est monsieur Plumier, un prof un peu tête en l'air qui est parfois un petit peu à côté de la plaque. Je crois que je me suis pas mal inspiré de moi-même : il aime bien faire marcher les enfants et s'enthousiasme très vite pour un tas de petites choses inutiles. Dont les dictées (pour ce point-là, je ne me suis pas du tout inspiré de moi-même.). Et il a des tentacules chelou sous sa blouse (là non plus, je ne me suis pas inspiré de moi-même). Je ne pense pas qu'il ait tellement évolué en deux tomes, qui correspondent à deux jours de classe, mais le troisième tome vous en apprendra un peu plus sur ses origines.

 

L’univers que vous avez créé est totalement loufoque et joue sur différents registres avec plusieurs niveaux de lecture si bien que la série s’adresse finalement aussi bien aux enfants qu’aux adultes qui trouveront ça aussi très drôle. Quel plaisir avez-vous eu à imaginer cette école de monstres déjantée et pourquoi avoir choisi cet univers-là ?

 

Lewis Trondheim - On déteste tous dessiner des vélos et des voitures, alors que des monstres et des pouvoirs magiques, c’est très amusant et beaucoup plus facile. Mais bon, on doit quand même dessiner des intérieurs de salle de classe avec plein de tables, et ça, c’est toujours l’enfer. Je pense que tous les prochains volumes auront lieu en classe de neige, ce sera encore plus facile à colorier.

Pascal Jousselin - Nous écrivons d’abord pour nous amuser et pour essayer de nous faire rire les uns les autres. Nous gardons juste en tête le fait que nos gags doivent pouvoir être lus à partir de 7-8 ans. Ce ton "tous publics" est donc venu naturellement (d’autant plus que toutes les BD jeunesse que nous aimons sont avant tout des séries tous publics).

Nob - J'ai toujours aimé l'idée que parents et enfants se retrouvent dans une lecture commune, en tant qu'auteur, ça a toujours été mon objectif. Et j'aime aussi me servir d'un univers fantastique comme celui de Chihuahua pour parler de notre réalité, de manière un peu décalée. Et c'est vrai que graphiquement, c'est plus rigolo à dessiner.

Obion - Une école de monstres, c'est beaucoup de liberté en perspective, mais aussi beaucoup de pièges à éviter pour ne pas faire des personnages bateau ou des situations déjà vues. On a un petit côté équilibristes qui aiment se faire peur, j'ai l'impression.

 

Si vous deviez choisir un seul album BD à relire dans votre bibliothèque, quel serait-il ?

 

Lewis Trondheim - Bravo les brothers. C’est une aventure de Spirou et Gaston ensemble. Hilarant, même à la millième fois. Et quand on sait que faire rire est ce qu’il y a de plus difficile, il faut choyer ce petit bijou.

 

Pascal Jousselin - J’hésite entre un Lucky Luke et un Astérix, mais je vais prendre Le Petit Prince et les Agressicotons , une aventure de Gully par Dodier et Makyo. Un album tous publics, beau, drôle et malin !

 

 Nob - Tout plein. Panade à Champignac me fait toujours hurler de rire, avec Zorglub en bébé (et ça tombe bien,  c'est dans le même album que Lewis) . Et sinon, Le Schtroumpfissime, toujours d'actualité, à accompagner d'un Astérix incontournable, La zizanie.

 

Obion - Peut-être Le Petit Christian, de Blutch, qui est sans doute l'album que j'ai le plus offert. Ou n'importe quel album de Calvin et Hobbes.
 

Entretien réalisé par Maya Albert, Leslibraires.fr