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Auteurs et illustrateurs répondent à nos questions autour de leur dernier livre. Découvrez leurs livres de chevet, leurs conseils de lectures, et plongez dans les coulisses de leur travail.

Entretien avec...

Rachel Dionnet, librairie Libr'Enfant à Tours
Elise Guillaume, librairie Arborescence à Massy
Xavier Wacogne, librairie La Pensée sauvage à Metz

 

Comment et pourquoi êtes-vous devenus libraires ?

 

 

 Rachel - J’ai un parcours atypique, j’ai fait une maîtrise en psychologie de l’enfant. Après avoir obtenu l’écrit, j’ai réalisé que je ne voulais pas faire ça et j’ai tout planté !  A ce moment-là, je travaillais dans une Maison de la Presse. C’est là que j’ai découvert le rayon jeunesse dans lequel j’ai travaillé pendant quatre ans.
Sur mon chemin, j’ai rencontré l’association Livre Passerelle, qui lutte contre l’illettrisme et utilise le livre comme moyen principal de prévention. En parallèle, j’ai repris des études et j’ai obtenu un Master en littérature jeunesse.
A l’époque, le gérant de la librairie Libr’enfant souhaitait vendre. Malgré l’envie, j’étais un peu jeune pour acheter. L’amie avec laquelle je voulais m’associer a racheté avec une ancienne salariée. Je suis devenue libraire dans cette librairie, que je rachète cette année.
J’essaye toujours de rassurer les étudiants en leur disant qu’il n’y a pas que les études qui comptent, mais qu’il y a d’autres moyens d’y arriver, et que les rencontres humaines sont très importantes.

Elise - J’ai un parcours plus classique. J’adorais lire. Après le lycée, j’ai donc fait un DUT Métiers du livre à Nancy. J’ai fait mon stage de fin d’études à Paris dans une librairie Procure, puis j’ai travaillé à L’Emile, une librairie jeunesse du 15ème arrondissement et à Ars Una, une librairie généraliste dans le 17ème.
En 2017, j’avais l’impression d’avoir fait le tour de la librairie dans laquelle je travaillais. J’ai contacté la Mairie de ma ville, Massy, pour savoir ce que devenait l’ancienne Maison de la presse, un local vide à l’époque. Personne n’avait de projet pour ce lieu, j’ai donc monté un projet pour une librairie qui a ouvert en 2018. Travailler dans des structures très différentes m’a permis d’avoir une idée plus précise du lieu que je voulais ouvrir. 

 

 

Xavier - Je suis libraire depuis vingt ans. J’ai fait des études de lettres et de philosophie et, en parallèle, je travaillais dans le commerce. J’ai eu l’opportunité à un moment de travailler à la Fnac en région parisienne, ce qui faisait la jonction entre le plaisir que j’avais à travailler dans le commerce et le plaisir que j’avais à partager mes lectures. J’ai ensuite travaillé chez Decitre puis de nouveau à la Fnac en tant que responsable de librairie dans un magasin à Metz.

 

Après ça, j’ai créé avec ma compagne une maison d’édition de livres pour enfants et j’ai pris un congé parental pendant quatre ans pour m’occuper de mes trois enfants. J’ai travaillé par la suite durant huit ans dans une librairie spécialisée BD, manga et comics. Au moment du premier confinement, je suis passé devant un local en périphérie de Metz, j’ai eu un flash, j’ai contacté la propriétaire. En un mois et demi j’avais monté la librairie !

 

Quel moment de votre journée préférez-vous ? 

 

 

 

Rachel - Ce que j’aime particulièrement, c’est la rencontre avec un client, quand on réussit à le convaincre. C’est la satisfaction de construire une autre relation avec la personne. Certaines arrivent avec des idées bien précises et repartent avec tout autre chose. C’est arriver à toucher les gens qui est important pour moi. J’aime aussi le moment après une rencontre, quand le stress retombe, même si, avec le temps, j’ai de plus en plus confiance en ce que je fais. Maintenant, je prépare moins les rencontres avec les auteurs pour ne pas m’enfermer dans quelque chose et donner plus de place à la liberté.

 

 

Elise - Sans hésiter, je préfère le matin, quand on a encore tous les possibles devant nous. J’adore les réceptions, c’est un peu Noël ! J’aime aussi prendre le temps de ranger la librairie, d’être plongée dans les livres.

 

Et, depuis peu, j’apprécie particulièrement le moment qui succède à une rencontre. Nous avons maintenant une base de clients habitués et j’apprécie cet espace de discussion que nous avons avec eux après un événement. 

 

Xavier - J’adore le matin, sauf en début de mois, quand arrivent tous les offices. Il faut chercher de la place, chasser d’autres titres que nous n’avons pas eu le temps d’exploiter à fond, et parfois on se mord les doigts d’en avoir pris autant ! Mais j’ai un plaisir fou à ouvrir les cartons, j’aime prendre le temps d’organiser la journée. J’aime aussi l’adrénaline qui précède une rencontre. Avec l’expérience, on apprend à lâcher prise, à se faire confiance, et on laisse la place à l’improvisation. J’aime aussi lorsqu’il y a plein de monde dans la librairie, le samedi après-midi par exemple. J’adore être débordé ! 

 

 

Si vous deviez choisir un seul livre à relire dans votre bibliothèque, quel serait-il ? 

 

 

Rachel - LEnfant du dimanche, de Gudrun Mebs. C’est ce livre qui a tout déclenché pour moi. Il est indétrônable devant l’éternel ! 

 

 

Elise - Il y en a beaucoup ! Mais si je devais choisir, ce serait Just Kids, de Patti Smith, que je relis toujours parce que c’est beau, facile, agréable.

 

 

Xavier - C’est un beau jour pour ne pas mourir, de Thomas Vinaud. Ce sont 365 poèmes. Je me soigne avec ça tous les jours, c’est un bonheur ! 

 

 

Racontez-nous une anecdote avec vos clients. 

 

 

Xavier - Je travaillais à la Fnac et un client me dit : “Je voudrais du Chatterton”. Moi j’ai tout de suite pensé à Chesterton et j’ai commencé à chercher dans tous les sens pour lui trouver quelque chose, et  il finit par me dire : “Mais vous savez, le scotch noir, le Chatterton !” 

 

 

Rachel - Un jour, un tout-petit vient me voir et me dit : “Je voudrais du mou !  Je veux du mou !”. Je lui ai fait répéter plusieurs fois, et j’ai fini par comprendre que ce qu’il voulait, c’était un livre mou pour mettre dans son sac à dos ! 

 

 

Elise - C’est plutôt un moment qui me vient à l’esprit. Un jour nous avions organisé une soirée-lecture en pyjama pour les enfants. Les voir tous débarquer dans leurs pyjamas à la librairie, c’était vraiment très drôle ! 

 

 

Qu’auriez-vous envie de dire à un libraire qui débute sa carrière ? 

 

 

Rachel - Qu’il n’arrivera pas forcément à tout ce qu’il veut dès le début, qu’il faut du courage, et que si son souhait est de créer sa propre librairie, c’est possible. Si on regarde notre parcours à tous les trois, nous sommes passés par différents types de structures pour arriver finalement à créer notre propre librairie indépendante.

 

 

Elise - Moi, je dirais de faire les choses à fond. Défendre ses goûts et croire en ses choix. 

 

 

Xavier - Je dirais d’écouter. C’est un métier de connexions. Il faut être connecté au monde et surtout aux gens. C’est le vrai enrichissement de ce métier. Il faut aimer les gens avant d’aimer les livres. Tout est basé sur l’écoute, c’est comme ça qu’on avance.

 

 

Entretien réalisé par Maya Albert, Leslibraires.fr