www.leslibraires.fr

Auteurs et illustrateurs répondent à nos questions autour de leur dernier livre. Découvrez leurs livres de chevet, leurs conseils de lectures, et plongez dans les coulisses de leur travail.

Entretien avec...

À propos de l'auteur : Craig Johnson naît en 1961 à Huntington, en Virginie-Occidentale. Son premier roman, Little Bird (The Cold Dish en VO), paraît en 2005 aux États-Unis. Il met en scène le shérif Walt Longmire et constitue le premier volet d’une saga qui compte à ce jour douze titres et fait régulièrement partie des listes de best-sellers aux États-Unis. La série Longmire, adaptation télévisée de l’univers de Craig Johnson, a connu un immense succès aux États-Unis. Elle est diffusée en France sur la chaîne D8.

 

À propos de l'ouvrage : Tout juste rentré du Vietnam, le jeune adjoint Walt Longmire participe pour la première fois à l’excursion de l’Association des shérifs du Wyoming à bord du Western Star, train à vapeur légendaire de la conquête de l’Ouest. Une bonne occasion de resserrer les liens entre collègues en buvant du bourbon. Très vite, les langues se délient et Walt a vent de meurtres non-élucidés. Elément troublant, certains shérifs manifestent une mauvaise volonté évidente à répondre à ses questions. Walt ne se doute évidemment pas qu’il est sur le point de faire l’une des rencontres les plus dangereuses de sa vie. Et voilà que quarante ans plus tard, les échos de cette ancienne affaire résonnent de la plus terrifiante des manières.

 

Vous évoquez dans Western Star un moment particulièrement important et marquant du passé de Walt Longmire (Shériff du Comté d’Absaroka et héros de tous vos romans) : connaissez-vous déjà sa vie ou bien la construisez-vous au fur et à mesure que vous écrivez ?

 

C.J - J’ai une connaissance précise des arcs narratifs de la vie de Walt, mais le plus souvent, des détails viennent s’ajouter tous seuls au fil de l’écriture. J’essaie de me laisser des marque-pages pour me rappeler les idées dont j’aurai besoin pour les futurs romans. Il y a des intrigues et des sous-intrigues qui se révèlent au fil du temps — j’espère simplement que je pourrai toutes les écrire. Je savais que Western Star allait être un défi et il fallait que j’attende un moment avant de pouvoir le tenter, mais ce défi m’a donné de nombreuses opportunités de faire des choses que je n’avais jamais été capable de faire jusque-là. Si on revient à Litlle Bird [le premier roman de la série], on apprend que Martha est enceinte au moment où Lucian engage Walt comme adjoint, mais cet enfant serait trop vieux pour être Cady. Alors qui est-il ?

 

La construction narrative de Western Star est très différente de vos précédents romans : Le lecteur fait en permanence des allers-retours entre passé et présent au détour d’une phrase. Le livre est aussi très rythmé, loin du rythme plus contemplatif et fantastique de plusieurs de vos romans (faisant appel à la mythologie indienne, notamment). Est-ce la thématique très forte de ce roman qui vous a poussé à changer votre façon d’écrire ?

 

C.J - Je ne sais pas si c’est une décision consciente d’écrire un livre plus orienté action, c’est juste ce que l’intrigue demandait, et puis avec Walt un peu plus jeune pendant la moitié du livre, j’ai saisi une opportunité qui ne m’est pas souvent accordée. J’ai déjà utilisé une narration circulaire dans mes précédents livres, notamment pour celui qui se passe au Vietnam, Enfants de poussière et Dark Horse. J’aime créer ces intrigues circulaires et observer non seulement Walt mais aussi de nombreux autres personnages de mes livres durant différentes périodes de leur vie, je trouve ça très révélateur. L’un des nombreux thèmes du livre serait que nous ne sommes pas seulement qui nous sommes maintenant.

 

Vous avez construit un whodunit (« who has done it », roman où le lecteur découvre les indices en même temps que la narrateur et cherche à découvrir le coupable avant le narrateur) à la manière d’Agatha Christie. Est-ce une manière de lui rendre hommage ?

 

C.J - Eh bien il est impossible d’avoir une intrigue policière à bord d’un train sans rendre hommage à son inventeur originel. Le fait que Walt prenne avec lui Le Crime de l’Orient-Express en poche était une façon de saluer cette bonne vieille Agatha Christie. C’est un maître, elle expose les vraies limites du genre dans le sens où, avec un whodunit, les permutations sont innombrables. C’est lui le coupable, en fait c’est elle et en fait personne n’est coupable. C’est vraiment tout ce qu’il y a, ce qui me met dans une position où je dois essayer quelque chose de différent, quelque chose dont elle n’aurait pas pu se tirer à l’époque.

 

Le meurtrier que Walt essaie de surprendre (et dont je tairai le nom) m’a fait penser à cette citation de Shakespeare (auteur que vous citez souvent) « Il n’est pas de bête si féroce qu’elle ne connaisse quelque pitié. Mais je n’en connais aucune, et donc ne suis pas une bête. » L’épilogue semble confirmer cette phrase, qu’en pensez-vous ?

"No beast so fierce but knows some touch of pity." "But I know none, and therefore am no beast." (Richard III – Acte I, scène 2)

 

C.J - C’est marrant, j’utilise Richard III comme exemple lorsque j’enseigne dans des ateliers d’écriture, un exemple pour parler de la motivation à proprement parler de l’antagoniste. Richard ne se voit pas comme un méchant, mais comme un homme qui a été trompé, abusé, au point de ne pas avoir d’autre choix que de répondre par la violence. Parfois on peut voir une part d’humanité en cela, parfois non. Le mal qui est fait à Walt et sa famille dans Western Star résonne dans tous les romans encore maintenant.

 

Entretien réalisé par Olivier Soumagne, Leslibraires.fr