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Auteurs et illustrateurs répondent à nos questions autour de leur dernier livre. Découvrez leurs livres de chevet, leurs conseils de lectures, et plongez dans les coulisses de leur travail.

Entretien avec...

Antonin Iommi-Amunategui est, avec Anne Zunino, le cofondateur de Nouriturfu, maison d'édition et d'événements qui s'avalent ; il est également auteur, avec un penchant certain pour le vin naturel (Glou Guide, Le guide des vins dont vous êtes le héros, etc.).

 

Pouvez-vous nous parler de ce salon pour le moins original, Mi - Livre Mi - Raisin ?

 

A.I-A - Mi-Livre Mi-Raisin, c'est le salon du livre et des vins d'auteurs. Autrement dit un festival qui combine, en les associant littéralement, maisons d'édition remarquables et vignerons et vigneronnes "nature". Pour vous donner un exemple, cette année nous aurons un collectif d'éditeurs suisses formidables, Les Insécables, qui sera associé à l'excellent vigneron Jean-Christophe Piccard, également helvète. D'autres fois, les équipages sont plus fins, comme les éditions Pirhana accolés au vigneron David Large (Beaujolais) qui a appelé l'une de ses cuvées Pirhana. Des cocktails qui en tout cas fonctionnent très bien !

 

Vous parlez d’un salon agri / culturel, pouvez-vous nous en dire plus ?

 

A.I-A - C'est une idée qui nous trotte dans la tête depuis longtemps, et à titre personnel depuis ma rencontre avec le réalisateur et auteur Jonathan Nossiter, très engagé de ce point de vue, il y a une dizaine d'années ; ce lien, cette passerelle entre culture et agriculture, est essentiel. Ces hommes et ces femmes, qu'ils ou elles soient dans les vignes ou dans les mots et le papier, sont des artisans ; les uns comme les autres conçoivent quelque chose qui donne du plaisir, pour commencer, mais qui offre aussi des pistes de réflexion originales, une puissante forme de recherche politique ou philosophique. La démarche de l'éditeur ou de l'éditrice qui choisit de publier tel ou tel ouvrage n'est guère éloignée de celle du vigneron ou de la vigneronne qui décide de concevoir une cuvée d'une certaine manière plutôt qu'une autre ; il y a une réflexion globale, en amont et pendant toute la phase de création : d'un côté, travailler en bio, sans additifs ni chimie de synthèse, respecter le vivant et la nature, de l'autre, faire le choix de publier et d'accompagner des auteurs et des autrices qui œuvrent pour un certain bien commun, tout en employant si possible des matériaux (papier, encres...) respectueux de l'environnement. On pourrait continuer longtemps à leur trouver des points communs – des passerelles.

 

Comment avez-vous sélectionné les éditeurs qui seront présents ?

 

A.I-A - C'est vraiment un travail de fourmi, au cas par cas : nous recherchons des maisons qui ne sont bien sûr pas trop grandes, qui ont généralement une certaine forme d'engagement (éthique, politique, littéraire, progressiste...) et dont, last but not least, les titres nous enthousiasment. Depuis la première édition, nous recevons aussi beaucoup de demandes d'éditeurs qui souhaiteraient participer, mais nous tenons à ne pas trop agrandir le salon, qu'il reste à taille humaine.

 

Souhaitez-vous mettre en lumière une littérature et une viticulture hors des sentiers battus ?

 

A.I-A - Absolument, autant que possible. La force de tous ces artisans, c'est précisément de travailler plutôt à la marge, d'être des pionniers aussi : ils explorent et expérimentent tous azimuts, qui le livre, qui le vin, et souvent inventent de nouvelles voies pour exprimer leur talent ou celui de leurs auteurs et autrices. Il y aura des vins et des livres exceptionnels à différents titres, sur la forme et sur le fond.

 

Pourriez-vous conseiller à nos lecteurs 3 livres publiés par les éditeurs présents au salon et qui vous ont particulièrement plu ?

 

A.I-A - C'est un crève-cœur d'en isoler trois !

Je commencerai par Un Long Voyage de Claire Duvivier, de la fantasy qui pourra évoquer Robin Hobb aux amateurs et amatrices du genre ; c'est d'ailleurs un roman écrit par une éditrice, Claire Duvivier des éditions Asphalte, publié aux éditions Aux Forges de Vulcain, deux belles maisons d'édition qui seront présentes les 11 et 12 décembre au salon.

Ensuite, l'excellent Je suis une fille sans histoire d'Alice Zeniter, chez L'Arche éditeur ; brillant essai, très drôle aussi, sur la question du récit, au sens le plus large possible, et de comment les femmes en ont été rayées au cours de l'histoire. Alice Zeniter sera aussi présente pendant le salon, notamment en tant que jurée du Prix du vin d'auteur ou d'autrice 2021, décerné à un ou à une vigneronne par des professionnels du livre, toujours dans cette optique de mélange des genres.

Enfin, un livre engagé et engageant, La guerre des mots, paru chez Le Passager Clandestin, qui est un peu le 1984 du discours néo-libéral ; ou comment nous sommes surveillés, manipulés et téléguidés par le langage politico-médiatique actuellement employé un peu partout... On pourrait dire que ces mots fortement chargés idéologiquement sont un peu les sulfites du langage : plus il y en a, plus on a mal à la tête ! Une gueule de bois politique est d'ailleurs bien plus longue et pénible qu'une gueule de bois alcoolique...

Mais je tiens encore à préciser que c'est un minuscule aperçu de la richesse et de la variété des centaines de titres qui seront présentés, parfois en présence de leurs auteurs ou autrices, durant le week-end du salon ; vous pouvez d'ailleurs retrouver le programme complet (mis à jour régulièrement) en suivant notamment ce lien.

 

Entretien réalisé par Maya Albert, Leslibraires.fr