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Auteurs et illustrateurs répondent à nos questions autour de leur dernier livre. Découvrez leurs livres de chevet, leurs conseils de lectures, et plongez dans les coulisses de leur travail.

Entretien avec...

Nées en mai 2021, les éditions Dalva mettent à l’honneur des autrices contemporaines. À travers leurs textes, elles nous disent leur vie de femme, leur relation à la nature ou à notre société. Elles écrivent pour changer le monde, pour le comprendre, pour nous faire rêver. Avec une dizaine de livres par an, cette maison d’édition vous invite à découvrir ces autrices françaises ou étrangères à travers des œuvres de fiction, des récits, des essais.

 

Pouvez-vous nous présenter votre maison et ce qui la caractérise ?

 

J.P - Les Éditions Dalva sont une jeune maison d’édition qui publie une dizaine de textes de littérature générale et de non-fiction dans les domaines français et étranger. La particularité de la maison est de ne publier que des femmes.

 

Le nom de votre maison vous a été inspiré par le titre éponyme du livre de Jim Harrison. Pourquoi ce choix ?

 

J.P - Au moment où les grandes lignes du catalogue se dessinaient et que le projet se concrétisait, il a fallu trouver un nom. Dalva s’est imposé très vite: d’abord parce que c’était un souvenir de lecture personnel inoubliable, mais aussi parce que cette femme, Dalva, incarnait beaucoup des valeurs et des thématiques  que j’avais envie d’explorer dans notre catalogue: un puissant rapport à la nature, une volonté farouche de défendre sa liberté, un rapport entier à son histoire. Et puis, la sonorité de ce nom est si belle… 

 

En ne publiant que des femmes, souhaitez-vous rétablir un déséquilibre ? Pourquoi, selon vous, les femmes sont-elles moins représentées dans l'édition que les hommes ?

 

J.P - Les femmes sont moins publiées et moins reconnues, notamment par les grands prix institutionnels - sans surprises, les prix de lectrices, lecteurs et libraires sont eux beaucoup plus paritaires dans leurs choix. C’est une situation de fait, et que je ne trouve pas acceptable. Si l’on croit à l’universalité de la littérature, ce qui est mon cas, comment imaginer qu’elle se manifeste quasi exclusivement sous la plume de 48% de l’humanité? 

Les raisons de ce déséquilibre sont nombreuses et anciennes, mais toutes sont liées à mon sens à la prévalence d’un système patriarcal dans l’édition comme dans la société tout entière. 

Mais ce choix de ne publier que de femmes, avant d’être politique, est d’abord né d’un intérêt personnel d’éditrice et de lectrice. J’ai fait, au cours de ces dernières années, de merveilleuses rencontres avec des autrices que je publiais. Il y avait chez ces dernières une énergie, une bienveillance, un regard sur le monde qui me portaient et m’enthousiasmaient  en tant qu’éditrice mais aussi en tant que femme. Ce que j’ai souhaité avec Dalva, c’est creuser ce sillon : aller chercher ce que des autrices aux profils variés pouvaient écrire de notre monde. Comment leurs œuvres pouvaient nous éclairer sur notre rapport à la nature, aux sciences, à la maternité, à la solitude, à l’amour, à la politique… J’avais envie de sortir des champs littéraires sur lesquels on attend les autrices, de donner à lire l’immense variété des sujets et des genres qu’elles peuvent embrasser. Je pense que si Dalva peut exister, c’est parce que des femmes ont publié ces dernières années de nombreux livres de revendication féministe. Ces publications ont permis une prise de conscience, nous ont ouvert la voie. En revanche, Dalva n’a pas vocation à publier exclusivement des œuvres féministes. Il me semble essentiel de prouver que le champs des possibles est infini pour les autrices et qu’elles sont entendues même quand elles écrivent sur des sujets qui ne sont ni le féminisme ni le feel good.

 

Depuis votre création, vous ne publiez que des autrices étrangères. Pourquoi avoir fait ce choix et qu'est-ce qui vous plaît dans ce travail ?

 

J.P - J’ai contribué depuis près d’une vingtaine d’années à l’élaboration de catalogues en littérature étrangère, disons que c’est le domaine littéraire où je me sens le plus à l’aise. Ce qui me plaît c’est l’ouverture sur l’autre, sur une culture, un univers que je ne connais pas ou peu. 

 

Pour cette rentrée d’hiver, votre catalogue s’ouvre à la littérature française avec un premier roman. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce titre ?

 

J.P - Il était très important pour moi, étant donné le principe fort et disons-le assez politique des Éditions Dalva, de publier des textes d’autrices françaises et francophones.

Le premier de ces textes est le roman de Mina Namous, une primo-romancière qui m’a tout de suite séduite par son écriture subtile, par la justesse de son regard.

L’histoire est simple: c’est celle d’un amour adultère entre une jeune femme et un homme un peu plus âgé qu’elle rencontre dans son milieu professionnel. Cela pourrait sembler banal, oui mais nous sommes à Alger dans les années deux mille dix et Mina Namous fait vivre sous nos yeux cette ville en ébullition, tiraillée entre tradition et modernité, tout en donnant à voir la vie d’une certaine jeunesse, diplômée, ouverte sur le monde et très attachée à leur ville et à leur pays. Nous sommes loin des clichés misérabilistes, et totalement avec Sarah, la narratrice.

Quel est votre plus grande fierté d’éditrice en 2021 et quels sont vos souhaits pour 2022 ?

 

J.P - D’avoir lancé Dalva et de voir se dessiner un catalogue d’autrices toutes plus passionnantes les unes que les autres, mais aussi d’essayer de publier en étant fidèle à des valeurs: respecter une production raisonnable, proposer un objet livre beau, bien fabriqué, respectueux de l’environnement, porter des textes en équipe, avec passion. 

 

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Copyright photo © Michael Amrouche

Entretien réalisé par Maya Albert, Leslibraires.fr