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Auteurs et illustrateurs répondent à nos questions autour de leur dernier livre. Découvrez leurs livres de chevet, leurs conseils de lectures, et plongez dans les coulisses de leur travail.

Entretien avec...

Vous avez ouvert votre librairie La Vie devant soi en 2015. Pouvez-vous nous raconter le chemin qui vous a mené à cette ouverture ? 

 

Passionnée par la littérature depuis toute petite, une fois mes études en sociologie terminées, je ne savais pas comment entrer dans la vie active sachant que la seule chose qui me parlait vraiment était le rapport à la lecture. Issue d’un milieu populaire, je ne connaissais pas le métier de libraire. Je vivais à la campagne et les rares librairies où j’étais entrée, enfant et adolescente, m’avaient paru un autre monde, presque un endroit qui n’était pas fait pour moi. J’ai fait mes premiers stages en librairie à Marseille. En 2005, j’ai effectué une formation professionnelle puis j’ai fait mes premières armes dans une librairie à Nantes. J’ai pu apprendre le métier et toute la gestion d’une librairie de A à Z. Parallèlement, j’ai commencé à chercher un local, jusqu’à ce que je quitte cette entreprise en 2013, que j’intègre ensuite la librairie spécialisée jeunesse Les Enfants Terribles, à Nantes, pour une année, et que je tombe par le plus grand des hasards sur le local qui allait devenir La Vie devant soi. Quand Etienne, mon compagnon, et moi avons lu ce livre de Romain Gary, nous avons eu un déclic : il correspondait vraiment au quartier où s’est montée la librairie, populaire, plein de vie, de tolérance et de liberté.

 

D’où vient votre amour des livres et votre passion de le partager avec les autres ? 

 

D’aussi loin que je me souvienne, la littérature a toujours fait partie de ma vie. Elle était ce qui me permettait de me raccrocher au monde, ce qui me permettait de Voir le monde. Atteinte d’un handicap visuel, les choses à plus de deux ou trois mètres de mon regard sont floues, voire irréelles, et font souvent appel à mon imaginaire pour exister. Cet imaginaire, je l’ai puisé dans la littérature. La langue, l’écriture, les descriptions sont ce qui ont construit mon rapport au monde, et je ne me voyais pas faire autre chose que de transmettre le travail des autres pour le rendre visible aux lecteurs. J’aime rencontrer les gens et trouver le bon livre pour la bonne personne. C’est ce que j’aime le plus dans ce métier : le conseil, le rapport à l’intimité de chaque lecteur. Créer des liens, des passerelles, des rencontres.  Ce que j’aime aussi, c’est rendre démocratique le rapport à la littérature, que les gens n’aient pas peur d’entrer dans notre librairie, qu’ils ne se sentent pas écrasés par un lieu, mais qu’au contraire, notre sourire, notre générosité, notre chaleur leur donne envie de venir, de revenir et de nous faire confiance. 

 

Être libraire, c’est faire des choix en fonction de nombreux critères. Ce sont en grande partie ces choix, qui définissent une librairie. Comment s’organise cette partie de votre activité ?

 

La majeure partie des choix se fait lors des rendez-vous avec les représentants et en consultant les services de presse (que nous avons à cœur de tous ouvrir !). Nous cherchons aussi à répondre aux attentes de notre clientèle. Il faut bien cerner ce que les lecteurs attendent, au-delà de nos goûts. Nous avons également réussi à fidéliser les gens autour de nos coups de cœur, à être des dénicheurs et des passeurs de livres qui ne seront pas obligatoirement les plus représentés dans les médias. Les gens ont confiance en nous et c’est une grande partie de notre travail. La partie la plus périlleuse et la plus difficile est celle de pouvoir anticiper les quantités sur les titres qui seront les plus commentés dans les médias ou les plus attendus. Parfois nous ratons des choses, mais pour moi le cœur du métier est de défendre et suivre le travail d’auteurs émergeants. Je pense à Thomas Giraud qui est un auteur nantais dont nous défendons le travail depuis son premier livre en 2015, et qui est l’une des meilleures ventes de librairie. 

 

Entretien réalisé par Maya Albert, Leslibraires.fr