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Le Vicomte aux pieds nus

Hervé Jaouen

Les Presses de la Cité

  • Conseillé par
    29 juin 2017

    Pour son dernier roman, Hervé Jaouen s'inspire de la vie de la comtesse Marie de Kerstrat et de son fils, le vicomte Henry de Grandsaignes d'Hauterives, pionniers dans la diffusion du cinéma au passage du 19e et 20e siècles. Puis, avec son talent et sa faconde habituels, le romancier breton construit une histoire folle, des aventures extraordinaires, des personnages entiers, passionnés aux caractères de Bretons bien trempés. Comment résister à un roman qui débute par cette longue phrase :

    "Cependant que la comtesse Hortense de Penarbily servait le thé à lady Woodford, monsieur le vicomte Gonzague lutinait la délicieuse miss Lisbeth à l'intérieur de la cabine de bain que le cheval du domaine, mené par l'homme de peine, avait roulée sur la grève, à l'étale de basse mer, dans l'alignement de la terrasse où les deux dames étaient assises, protégées du soleil par des capelines en paille avachies qui donnaient au rite du five o'clock le côté relax d'un pique-nique champêtre improvisé entre personnes de bonne compagnie." (p.11) ?

    La suite ? Eh, bien c'est une succession de belles phrases, de langage parfois très châtié parfois très fleuri, un mélange qui ravit et fonctionne admirablement bien. Ce gros roman de 460 pages ne souffre que très peu de longueurs, il est passionnant et tellement enlevé que la lecture en est aisée et rapide. La Bretagne y est magnifique, cette fois-ci les abords de Quimper, le Canada est bien joli également, les États-Unis moins accueillants, Thomas Edison voyant d'un mauvais œil arriver ces Français et sabrer son invention beaucoup moins avancée que celle des frères Lumière et voulant s'en attribuer néanmoins la paternité et les royalties qui en découlent. Hervé Jaouen bâtit un roman historique qui relate bien ces années d'avant guerre et l'euphorie de certains pour ce qu'ils considéraient comme une invention majeure contre tous ceux qui n'y croyaient pas ou pire y voyaient le diable, comme l'Église par exemple.

    Et puis, ce qui fait le sel des romans de l'auteur, ce sont ses personnages, toujours très bien décrits tant physiquement que psychiquement. Gonzague et Hortense sont deux pièces de choix, des présences et des caractères forts, des volontés à déplacer des montagnes, des audaces et des paris risqués. Néanmoins, ils ne cachent pas totalement les seconds rôles, Bérénice la sœur de Gonzague, Suzanne sa compagne, rencontrée outre Atlantique, ni les diverses personnes qu'ils rencontreront au cours de leurs aventures, parfois aidantes, parfois envieuses et malhonnêtes, parfois carrément hostiles.

    Voilà, tout est présent dans ce roman pour que le lecteur passe un excellent moment, l'un de ceux ou il apprend plein de choses sur les débuts du cinéma et comment grâce à des pionniers comme Hortense et Gonzague, il s'est développé, comment également les autorités étasuniennes ont voulu règlementer à leur profit ce nouvel art ; le lecteur passera également d'excellents moment en Bretagne et au Canada et souhaitera la réussite du duo mère-fils. Lecteur, j'y ai trouvé tout cela. Lu et approuvé !