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La malédiction des colombes

Louise Erdrich

Albin Michel

  • Conseillé par
    27 octobre 2012

    Amérindiens

    Je ne déteste pas les romans chorals, et j'apprécie les changements de point de vue. Mais dans ce roman-ci, c'est trop. Je serai même tentée de le qualifié de "roman à tiroirs", mais avec trop de tiroirs pour une si petite commode.

    Je me suis perdue dans la ville de Pluto, dans les histoires imbriquées dans les récits, dans l'imaginaire de Louise Erdrich.

    Je ne fus guère étonnée, par ailleurs, de découvrir que certains des passages de son roman étaient parus dans des revues. Pourquoi, dans ce cas-là, ne pas publier un recueil de nouvelles ?...

    Je préfère rester sur le bon souvenir de "Ce qui a dévoré nos coeurs". A vouloir trop en faire...

    L'image que je retiendrai :

    Celle des mots ojibwe qui parsèment les récits, et dont je n'ai pas compris un traitre mot.

    http://motamots.canalblog.com/archives/2012/10/06/25235287.html


  • 24 novembre 2010

    Un magnifique roman polyphonique.

    La beauté de l’ensemble des histoires imbriquées les unes dans les autres pour former un patchwork vivant et signifiant est époustouflante... Les destins apparemment isolés les uns des autres trouvent leur cohérence au fil des pages, prouvant qu’une histoire est composée de plusieurs individualités rassemblées par un socle commun.

    « Quand nous sommes jeunes, les mots sont éparpillés autour de nous. Au fur et à mesure qu’ils sont assemblés par l’expérience, nous le sommes nous aussi, phrase par phrase, jusqu’à ce que l’histoire prenne forme. » (p. 414)

    Et c’est ce socle commun que veulent garder les indiens comme une identité qu’on ne pourra plus leur voler tant que le récit durera.

    « Il en va de même pour toutes les entreprises desespérées auxquelles sont mêlées les limites que nous posons sur cette terre. En traçant une ligne et en la défendant, nous semblons penser que nous avons dominé quelque chose. Quoi ? La terre engloutit et absorbe même ceux qui réussissent à bâtir un pays, une réserve. (Pourtant il y a quelque chose dans l’amour et la connaissance de la terre et son rapport avec les rêves – voilà ce qu’avaient les anciens. Voilà pourquoi en tant que tribu nous existons encore aujourd’hui.) » (p. 182)

    - Ce sont des histoires tragiques quelquefois, des histoires comiques, des relations illogiques, mais toujours des histoires magnifiques. Comme celle de ce violon venu sur les eaux cueillir son destinataire qui ravira ensuite de sa musique les âmes sensibles :

    « Le son touchait instantanément quelque chose de profond et de joyeux. Ces moments forts de connaissance vraie que nous devons masquer avec la vie de tous les jours. La musique venait tapoter le dos de nos terreurs aussi. Des évènements que nous avions vécus et que nous ne voulions jamais voir revenir. Des rêves en lambeaux, des nostalgies bannies, de la peur et aussi des plaisirs surprenants. Non, nous ne pouvons pas vivre à ce degré-là. Mais de temps à autre quelque chose se brise comme de la glace et nous sommes dans la rivière de notre existence. Nous sommes conscients. » (p. 303)

    - Les personnages sont profondément humains, plus complexes qu’ils ne le semblent au premier abord. Par exemple, les confrontations entre le personnage du grand-père d’Evelina, Mooshum et le prêtre qui souhaite le convertir sont très drôles, même si derrière cette façade clownesque se cache une réelle souffrance.

    « J’ai vu que la perte de leurs terres était logée en eux pour toujours. Cette perte entrerait aussi en moi. Au fil du temps, je découvris que le chagrin était une chose que chacun dissimulait à sa façon – mon vieil oncle grâce à sa discipline passionnée, ma mère grâce à une sévère bonté et un ordre méticuleux. Quant à mon grand-père, il pratiquait l’art patient du ridicule. » (p. 135)



  • Conseillé par
    4 novembre 2010

    Dakota du Nord, Pluto, une petite ville bâtie fin du XIX siècle très près d’une réserve indienne. Des familles s’y sont installées, les Hommes blancs sont venus avec leur religion et lorgnent sur les terres indiennes. 1911 : une famille entière de fermiers est tuée sauf le bébé. Les différences entre les deux communautés seront les plus fortes, les têtes de trois indiens se balanceront au nœud d’une corde. Seul Mooshum n’a pas été pendu. Pourquoi ? Les habitants et leurs descendants doivent vivre avec ce drame. Les questions, les mensonges drapés de secrets enveloppe cette tragédie sans que le vrai coupable ait été trouvé.

    Roman polyphonique par excellence, le livre s’ouvre sur l’année 1966. Evelina aime écouter les histoires de son grand-père Mooshum. Tour à tour, plusieurs personnes de différentes familles prennent la parole. Astucieusement construit, on suit des personnes au début de la naissance de Pluto et leurs descendances. Un prédicateur illuminé et sa femme Marn, un juge, un médecin, une équipe de géomètres partis en reconnaissance… Tous sont liés par le sang ou par des secrets. Le récit n’est pas linéaire, on remonte le fil du temps puis on revient à Evelina qui découvrira la vérité. Au fil des années, le brassage de communautés aura lieu car il y est question également d’amour, de trahisons et de remords.

    Il s’agit d’un livre dense, foisonnant sur le poids de la culpabilité des générations, des différences entre deux communautés et la peur de l’autre qui amène à la folie.

    J’ai lu ce livre en apnée totale… Une foi commencé, je n’ai pas pu le lâcher. L’écriture est limpide et Louise Erdrich dirige magistralement ses personnages comme un chef d’orchestre. Un roman magnifique!