www.leslibraires.fr

La geste permanente de Gentil-Cœur

Fanny Chiarello

Éditions de l'Attente

  • Conseillé par
    31 mai 2021

    Quasiment tout du long accompagné de Iko Iko ("jock-a-mo fee-no ai na-né/jock-a-mo fee na-né"), chanson qui reste bien en tête, longtemps, j'ai parcouru les allées du parc Jean-Guimier de Sallaumines au rythme de Fanny Chiarello. Vers de 11 pieds, hendécasyllabe me suis-je laissé susurrer à l'oreille, donc des phrases qui, possiblement, ne se terminent pas à la fin de la ligne mais à la suivante. Mais quelles phrases puisqu'aucune ponctuation, aucune majuscule sauf aux noms propres. Jeux de sons, jeux de mots, Fanny Chiarello fait dans le plus prosaïque mais aussi dans la contemplation.

    Long poème en prose, longues chevauchées sur un vieux vélo, à la recherche ou l'attente d'une jeune joggeuse croisée à deux reprises. C'est surprenant, parfois déroutant et franchement j'adore ça. Combien de livres ouvre-t-on et lit-on sans ce petit truc en plus qui surprend, qui titille, qui lutine la zone de confort sise dans le cerveau en lui disant qu'il faut se bouger un peu ? Même si je tente de lire régulièrement ce genre d'ouvrages, parfois ça marche, parfois ça marche pas. Là, ça marche formidablement.

    J'ai parfois pensé à Tentative d'épuisement d'un lieu parisien de Perec, Paris en moins, parc en sus, dans la description du rien, toute comparaison gardée, mais plaisir de lecture comparable :

    "un homme passe avec des chiens puis un chien

    avec un homme puis un mec avec un

    sac plastique puis un type qui court bras

    et buste tendus vers le sol comme s'il

    allait faire une roulade avant mais non

    et d'un esprit plus aventureux que les

    quatre femmes évoquées hier quoique

    guère plus rapide il quitte le parc pour

    le vaste monde et après lui c'est tout pour

    l'activité si nous faisons fi des pies" (p.72)