À la ligne

Dans son roman graphique en noir et blanc, Julien Martinière réussit le défi d'adapter le texte choc de Joseph Ponthus, en nous assénant à "coups de points" toute l'absurdité du travail à la chaîne et de la précarité de sa vie d'intérimaire. Petites îles de salut pour Ponthus dans cette vie morose : sa femme, son chien Pok Pok et les auteurs classiques de la littérature ou de la chanson qui l'accompagnent pendant ses heures d'aliénation à la ligne de travail. Magistral !

"À la ligne" fait partie de ces textes qui marquent une vie de libraire. Paru en janvier 2019, il s’agit du premier roman d’un inconnu, Joseph Ponthus, qui n’allait pas le rester longtemps.

Très vite repéré parmi les plusieurs centaines de titres de rentrée d’hiver, celui-ci se distingue par sa versification libre, sa charge sociale, sa sublimation du travail à la chaîne, son humanité. De plateaux télés en radios, en passant par moult rencontres en librairie et festival, le public découvre qui se cache derrière ce nom et la personnalité du jeune écrivain, généreuse, entière, ne fait que renforcer l’intérêt que l’on porte à son livre. Cette année-là, le roman obtient – entre autres – le Grand-Prix RTL/Lire, le prix Régine Deforges et le prix Jean Amila-Meckert.

Depuis, il est devenu un classique de la littérature ouvrière. Souvent prescrit et toujours chaudement recommandé, d’autant que le décès soudain de Joseph Ponthus, deux ans plus tard, ne peut que nous laisser imaginer quelle grande carrière d’écrivain l’attendait…

L’enjeu d’une adaptation en BD était donc de taille. Soyez rassuré.es, vous ne serez pas déçu.e.s.

L’illustrateur, Julien Martinière, a relevé le défi avec brio et humilité. Il s’était jusqu’alors fait remarquer en Jeunesse, distingué en 2018 par la Pépite d’or du meilleur album au Salon du livre de Montreuil pour "Le tracas de Blaise" (aux éditions de l’Atelier du Poisson Soluble, sur un texte de Raphaële Frier). Il passe ici à la bande dessinée. Grâce à son dessin inimitable composé de milliers de points, il a su se glisser « entre les lignes » de Joseph Ponthus pour retracer son histoire : celle d’un garçon, comme on en croise souvent qui, à la suite d’un déménagement, peine à retrouver un emploi dans son domaine, l’accompagnement social. Il doit alors se résoudre à accepter des missions d’intérim dans des usines agroalimentaires. Sa passion pour la littérature et l’écriture lui apportent l’oxygène nécessaire pour endurer le quotidien, et même le raconter.

Tout en restant fidèle à l’œuvre originale, les partis pris de narration et de découpage en font une re création à part entière. La dimension poétique se transpose en dimension esthétique, avec un choix de noir et blanc très purs, et certains dessins pleine page sont aussi saisissants que des gravures.

Ce qui aurait dû être un compagnonnage est hélas devenu un hommage, mais toute la puissance de l’amitié est contenue dans ces 200 pages.

(Article écrit pour le magazine Initiales de décembre 2024, en complément d'une interview avec Julien Martinière).

"J'écris comme je travaille,
À la chaîne,
À la ligne." (Joseph Ponthus)

Publié en 2019, grand Prix RTL/ Lire, et lauréat de nombreux autre prix de lecteurs, de prix populaires, "À la ligne" de Joseph Ponthus, fait partie de ces oeuvres qui marquent. Rédigée en vers libres, elle raconte le quotidien d'un ouvrier intérimaire dans des conserveries, des abattoirs, ces vies de l'ombre qui travaillent à la chaîne, à toute heure du jour ou de la nuit, dans des conditions épouvantables.

Il fallait le talent de Julien Martinière pour mettre en image les mots précieux de Joseph Ponthus, retranscrire le labeur, la difficulté, les environnements oppressants, ce travail répétitif, et les bulles d'air nécessaires : les promenades avec son chien, les moments d'intimité avec sa compagne et la littérature, qui se glisse partout, une poésie du quotidien qui s'immisce dans chaque interstices.

Une merveille.

Aurélie

Joseph n'est pas un ouvrier comme les autres. Sans jamais se voiler les yeux quand aux conditions de travail liées à sa condition d'ouvrier intérimaire, il s'efforce de créer de la poésie à partir de ce qui n'est que taches répétitives.

Le roman de Joseph Pontus avait marqué par la précision de ses descriptions, et sa sublimation de l'ordinaire en poésie. Julien Martinière en tire un roman graphique qui parvient par sa mise en page et la finesse de son tracé à, non seulement, restituer la sensibilité de l'œuvre originale, mais également à donner vie aux visions de Joseph Pontus.

Adaptation du roman de Ponthus, "À la ligne" nous entraine dans les méandres du travail à l'usine. Le noir et blanc de Julien Martinière colle parfaitement à la rudesse du milieu. Un récit poignant.