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Les insoumises

Celia Levi

Tristram

  • 17 juin 2015

    "Nous voulions tout, nous n'avons rien eu. Nos âmes pures et romanesques aimaient les livres du 19 ème siècle, nous voyions la vie comme des héroïnes de livres sans voir que la société avait changé, qu'il ne suffisait pas de dire "à nous deux" pour vaincre."

    Roman épistolaire de deux jeunes filles, deux amies Renée et Louise qui se séparent.

    Deux jeunes femmes velléitaires, à l'heure du possible rêve, avant le fracas de la loi du marché, de l'avilissement dans le travail. Renée quitte Paris pour l'Italie où elle souhaite devenir artiste. Louise veut se confronter à la vie. L'une s'adonne à la vie bohème, les amours complaisantes, les rêves déchus dans les bras d'amoureux éphémères. L'autre se radicalise , pour elle, le travail tel qu'il est envisagé par la société est contre nature, il n'est là que pour détourner l'homme de la pensée.

    "Nous devenons nous-mêmes de la marchandise. En même temps que l'accomplissement personnel est prôné comme manifestation de la liberté individuelle, l'individu n'a de place qu'en tant que consommateur, chaînon inerte dont l'existence que de sa capacité à acheter."

    Cette phrase, sublime, résume assez bien l'état d'esprit de Louise.

    Pourquoi devrait-on sans arrêt choisir entre la raison et le bonheur? rétorque Renée à son amie.

    Le travail est le châtiment que Dieu a imposé aux hommes pour avoir péché, et non une bénédiction divine qui mérite récompense.

    La révolte peut-elle perdurer contre le principe de réalité?

    Qui aura raison de la vie entre ces deux insoumises? Entre l'idéaliste qui rêve éveillée et l'évaporée qui cherche le bonheur à tout prix et le plaisir comme une forcenée?

    Célia Levi offre un précieux roman par lettres où le rêve devient périlleux et la violence est sublimée par le style. C'est un texte subtil sur la mort de la pensée chez cette jeunesse désenchantée.

    Et puis toutes ces pépites:

    "J'ai longtemps envié les personnes qui se consument dans les livres[...] Je pensais que la précision était mère de vérité, que le vague, l'imprécis étaient synonymes de superficialité."

    "Quand je pense qu'une vie adulte peut ressembler à ça, je frémis et ça me donne envie de me cacher la tête sous l'oreiller."

    "Je ne sais pas si je dois te souhaiter de réussir ta petite vie de chien rampant du capital ou te souhaiter de ne pas la supporter longtemps."

    Quelques illusions perdues sous la plume élégante de Célia Levi,éditions Tristram, collection souple.