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Le corps des autres

Ivan Jablonka

Raconter la vie

  • Conseillé par (Le Pain des Rêves)
    7 avril 2015

    Cet ouvrage est une incursion dans le monde des esthéticiennes, ces femmes qui dans l'intimité d'une cabine de soins s'occupent "du corps des autres pour leur bien-être et leur agrément". Socialement, l'esthéticienne est peu connue parce qu'il faut, pour que ses clientes soient belles et admirables, qu'elle reste invisible. Ses compétences techniques sont pourtant variées et larges : "épilation, soin du visage et du corps, modelage, onglerie, maquillage, (…) palper-rouler, massage ayurvédique, hydrothérapie, digitopression, réflexologie plantaire", mais elle reste une manuelle et une travailleuse de l'ombre.
    Dans leurs instituts,, les esthéticiennes peuvent aussi "jouer le rôle de psy, de coach, d'infirmière, d'assistante sociale". Certaines se sont formées à la socio-esthétique pour prodiguer des soins esthétiques à des populations fragiles : personnes âgées, malades, toxicomanes, sans -abris, détenus.
    Au-delà de l'apparence, cette profession, souvent jugée futile et même stupide, a une réelle utilité sociale. A leur façon, les esthéticiennes aident ces personnes à aller mieux en prenant soin de leurs corps abandonnés, déchus, en essayant de les soulager par des soins physiques, la souffrance physique, psychologique ou sociale.

    L'ouvrage d'Ivan Jablonka est différent des autres en ce qu'il laisse moins de place à un ou plusieurs longs témoignages. Il regarde en profondeur ces personnes dont il signales qu'elle ont choisi leur métier, qu'elles travaillent beaucoup pour de petits salaires, et fournit une lecture de ce qu'elles disent de la place du corps dans la société , du regard de l'autre, de l'exigence de l'homme sur sa compagne, de la soumission des femmes au désir ambiant, de la tyrannie de la beauté, de la peur de vieillir, de la "traque du poil".
    L'enquête d'Ivan Jablonka revalorise les esthéticiennes. Tout à la fin, il affirme que "l'esthétique est un humanisme".