De l'argent à flamber

Comment écrire un roman engagé en 2022 ? La jeune star de la littérature
scandinave, Asta Olivia Nordenhof y parvient : son propos convainc à la fois
par sa poésie et son ambition littéraire que par son envergure politique. Son
roman De l’argent à flamber est le premier volume d’une septologie qui a pour
thème central l’incendie volontaire du ferry Scandinavian Star. Le 7 avril
1990, plusieurs feux se déclenchent sur le ferry low-cost qui, comme tant
d’autres, relie quotidiennement les îles et côtes du Danemark entre elles. 159
personnes perdent la vie, dont de nombreux enfants. Le traumatisme frappe le
pays entier. La faute est mise sur l’inattention d’un employé du bateau,
décédé lors de l'incendie. Pourtant, certains feux se sont déclarés même après
l’intervention des pompiers. Provoqué par un acte d’escroquerie à l’assurance,
qui a fait gagner aux propriétaires du bateau incendié une somme colossale de
fonds d’assurance, cet événement continue de marquer douloureusement la
population danoise. « Cent cinquante-neuf personnes périrent. Il est
malheureusement vraisemblable qu'elles soient mortes parce que d'autres
désiraient réaliser une plus-value financière. » Si le centre de gravité de ce
texte est donc un fait réel, Nordenhof le peuple de personnages de fiction.
Couple aux aspirations modestes, Kurt et Maggie se sont rencontrés lors d’une
soirée arrosée à Odense, sur l’île de Fionie, non loin de Copenhague. Depuis,
le temps a fait de leur relation, passionnelle à ses débuts, un naufrage. Ils
s’efforcent tant bien que mal de vivre ensemble, se construisent une existence
grâce à une compagnie de bus dans une ferme, près de Nyborg. Le départ de leur
fille, désormais adulte, a laissé un vide dans leur existence, et chacun se
retrouve à tirer ses comptes avec soi-même. Kurt souhaite investir l’argent
amassé grâce aux profits de son entreprise dans quelque chose de grand, mais
il ne se doute pas que la participation au projet d’un ferry low-cost
deviendra son plus grand échec. Pendant ce temps, Maggie se demande ce qu’est
l’amour et réalise progressivement que c’est l’amour qui a englouti sa vie. «
C'est quoi l'amour ? Maggie me regarde avec un visage pareil à une prière sans
contenu. Comme s'il ne restait que la seule forme de la prière, un contour
infernal. » Saluée par la critique à l’international, Asta Olivia Nordenhof
signe un brillant et singulier roman qui est une démonstration implacable sur
notre monde. De l’argent à flamber est un récit kaléidoscopique sur la
violence, où l’argent, toujours, est au gouvernail des histoires intimes et
collectives, impactant la vie de tous les jours comme l’amour. Avec beaucoup
de finesse, Asta Oliva Nordenhof suggère la présence de l’argent et de sa
violence dans tous les interstices de ce texte, de l’histoire du couple à
celle des victimes du Scandinavian Star. Que peut la littérature contre de
tels criminels systèmes de fraude ? L'idée même d'écrire un roman sur le sujet
semble futile et, au premier abord, son « j’accuse » me paraissait presque
naïf… Mais Asta Olivia Nordenhof fait partie de ces jeunes auteurs qui n'ont
pas froids aux yeux quand il s'agit de s'attaquer aux sujets les plus épineux
de notre société. Cela n'aurait peut-être pas été possible il y a peu de temps
encore. Mais, à l'époque des Fridays for future et de l’effondrement de notre
système actuel de la croissance à tout prix, des critiques simples et franches
ne sont-elles pas celles qui peuvent avoir le plus d'effet ? Est-ce que ce
n'est pas justement notre refus de savoir ce que nous souhaitons plutôt que ce
qui semble rentable qui nous a empêché pendant des décennies d'agir contre les
dangers qui se préparent depuis longtemps, sous nos yeux ? Lorsque vers la
page soixante de son roman, Asta Olivia Nordenhof commence à nous dire ce
qu’elle pense du capitalisme, à expliquer les calculs cyniques des
propriétaires de la Scandinavian Star et l'impuissance de nos sociétés face à
de tels comportements, c’est une véritable claque. « Le capitalisme est un
massacre. Mais nous sommes vivants et nous pouvons y mettre fin. » Pourtant,
au drame du Scandinavian Star et aux rêves brisés de Kurt et Maggie viennent
se mêler quelques brefs instants de bonheur et d’amour qui font de De l’argent
à flamber un texte d’une beauté profonde. Avec son idée d’écrire une série de
sept livres autour d'un des événements les plus douloureux de l’histoire
récente de ce petit pays du nord de l’Europe qui est le Danemark, Asta Olivia
Nordenhof a été instantanément propulsée sur l’avant de la scène littéraire de
son pays. Dans De l’argent à flamber elle se montre capable de se saisir d’un
sujet complexe et singulier avec une puissance littéraire hors norme, d’une
finesse d’observation et d’une poésie éblouissante. Sa prose, élastique, très
maîtrisée, est capable à la fois d’évoquer des mondes intimes, fragiles, et
d’analyser froidement des stratagèmes financiers complexes. La presse et les
jurys de prix sont unanimes, De l’argent à flamber est un roman spectaculaire
et Asta Olivia Nordenhof une nouvelle voix littéraire tout à fait
extraordinaire : « Comment écrit-on un roman social, réaliste et politique sur
le capitalisme au XXIe siècle ? Eh bien, de cette façon !... Ce roman est rude
et déchirant. Mais il est aussi tendre, drôle, et il nous met au défi.
Nordenhof écrit extraordinairement bien, réussissant à créer une voix
narrative extrêmement habile. » Politiken « Le début d’une œuvre littéraire
sans compromis » Jury du prix Per Olov Enquist « Un roman incroyablement beau
et séduisant. » Jury du prix de de littérature de l’Union européenne « Un
livre dur, turbulent, qui aspire à bouger les choses. » Jury du grand prix de
littérature du Conseil nordique Asta Olivia Nordenhof est née en 1988. Elle
est une poétesse et autrice danoise hautement reconnue, déjà traduite dans de
nombreuses langues et récompensée par de nombreux prix. Diplômée de la
prestigieuse Académie danoise, elle y enseigne désormais l’écriture créative.
Nordenhof fait ses débuts littéraires avec le roman Et ansigt il Emily (« Un
visage pour Emily »), en 2011. Son recueil de poèmes des nemme og det ensomme
(« la facilité et la solitude »), publié en 2013, a été un succès hors normes
qui s’est vendu à plus de 10 000 exemplaires au Danemark. En 2020, Nordenhof
publie De l’argent à flamber, premier livre d’une septologie prévue sur
l’incendie du ferry Scandinavian Star en 1990. Le deuxième livre est prévu
pour le printemps 2023. Pour De l’argent à flamber, roman très remarqué à
l’international et un succès retentissant au Danemark, Asta Olivia Nordenhof a
été couronnée par les prix littéraires les plus prestigieux de son pays,
notamment le prix PO Enquist. Pour ce titre, elle a également reçu le prix de
littérature de l’Union Européenne, et été sélectionnée par le Grand prix de
littérature du Conseil nordique. Il est traduit dans une douzaine de langues.
Hélène Hervieu est née en Norvège. Elle traduit du suédois, du norvégien, du
danois et de l’allemand. Elle est notamment la traductrice française d’Erik
Fosnes Hansen et d’Anna Platt aux éditions Gallimard. Pour son travail de
passeuse entre les cultures, elle a été récompensée avec la médaille de
l’Ordre royal norvégien du Mérite.