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La Fabrique de violence
Format
Broché
EAN13
9782748901238
ISBN
978-2-7489-0123-8
Éditeur
Agone éditeur
Date de publication
Collection
MANUFACTURE DE
Nombre de pages
352
Dimensions
21 x 14 x 2,8 cm
Poids
460 g
Langue
français
Langue d'origine
suédois

La Fabrique de violence

De

Traduit par

Agone éditeur

Manufacture De

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  • Vendu par Librairie Terra Nova
    23.40

Erik a 14 ans et toute sa vie, à l’école comme à la maison, se construit dans la violence. Jan Guillou a nourri ce récit de son expérience de collégien, quand, au nom de l’éducation mutuelle, les élèves les plus âgés brutalisaient les plus jeunes. Il dénonce un système éducatif fondé sur la loi du plus fort invitant à une réflexion sur l’inculcation de l’ordre social et la destruction de toute révolte que portent en eux les programmes d’éducation de nos démocraties. Au centre du roman se trouvent ainsi la vengeance et le pardon ; mais aussi l’amitié, la fraternité et la solidarité.
Jan Guillou est né en 1944 en Suède. Devenu journaliste pour payer ses études de droit, il publie un reportage sur l’école évoquée dans La Fabrique de violence. Le scandale est tel que le gouvernement suédois ordonne la fermeture de l’établissement. Quelques années plus tard, en 1973, il enquête sur les activités d’un bureau de renseignement pratiquant le fichage de citoyens suédois au profit de la CIA. Suite à ces révélations, il sera condamné pour espionnage à dix mois de prison.
Jan Guillou est également l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages (traduits en une vingtaine de langues), parmi lesquels une série de romans d’espionnage, Coq rouge, et la trilogie d’Arn le Templier (Agone, 2007 & 2008) qui ont connu un immense succès populaire en Suède. Ses romans et ses écrits journalistiques sont marqués par des prises de positions à contre-courant, notamment vis-à-vis de la politique intérieure de son propre pays.

> Le texte La Fabrique de violence (Prix France Culture 1990) a fait l’objet d’une adaptation cinématographique (Ondskan – Evil) qui a été nommée pour un Academy Award en 2003 et a été mis en scène au théâtre par Tiina Kaartama (une quarantaine de représentations en France depuis 2004).

Le coup l’atteignit sur le haut de la pommette droite. C’était exactement le but qu’il recherchait en levant la tête de quelques centimètres, en biais, au moment où son père frappait. Lors des repas, celui-ci visait le plus souvent le nez et s’efforçait de l’atteindre avec le revers du bout des doigts, au moyen d’un fouetté du poignet. Un tel coup ne faisait pas vraiment mal, quand il touchait son but. Mais le fait de recevoir ce genre de pichenette sur le nez suscitait en lui un sentiment de rage rentrée. Plutôt la pommette, alors.
Le père était fier de ce coup parce qu’il se croyait capable de le porter avec une rapidité surprenante. Mais Erik, qui connaissait tous les coups et toutes les ruses de son père aussi bien que la table de multiplication, n’avait aucun mal à déceler ce léger tremblement en dessous de son œil droit qui annonçait le déclenchement du geste.
Il n’aurait eu aucun mal à pencher la tête suffisamment en arrière pour que le père manque complètement son coup. Mais il risquait alors de voir ce salaud-là perdre le contrôle de lui-même et se jeter par-dessus la table pour le toucher au moyen d’un crochet du gauche ou d’un direct du droit en pleine face.
C’est pourquoi il devait s’arranger pour que son père ne manque pas totalement son coup lorsqu’il lui allongeait ce fouetté sournois du poignet. Il fallait beaucoup d’entraînement et de maîtrise de soi pour tourner la tête juste assez pour que le père manque le nez mais atteigne cependant la joue.
— Bon, dit gaiement le père, aujourd’hui ce sera vingt-cinq coups de brosse.
C’était un verdict d’une clémence inhabituelle, presque le minimum. Ces vingt-cinq coups portés avec le dos de la brosse à vêtements ne prendraient guère plus de vingt secondes et après ce serait fini. Il n’aurait donc pas besoin de pleurer ; or, il ne voulait pas pleurer quand le père frappait. Il était possible de s’en empêcher si on réussissait à retenir son souffle.

***

Pierre le conduisit au réfectoire et lui indiqua une place, tout au bout de l’une des vingt grandes tables. Vingt élèves étaient assis à chacune, en fonction d’un certain ordre. On lui apprit que tout au bout se trouvaient le chef de table et son adjoint, puis venaient les élèves des grandes classes rangés d’une façon qui avait à voir avec le protocole observé lors des dîners privés : à savoir les plus titrés et les plus riches d’abord et les moins titrés et les moins riches ensuite. Plus loin venaient les élèves des petites classes, rangés selon un ordre analogue. Mais le dernier arrivé était toujours placé à l’extrémité. La nourriture était servie sur des plats en inox, et dans le même ordre, par des serveuses finnoises. Le repas commençait et se terminait par des prières rituelles.

***

Normalement, ceux qui recevaient eux-mêmes des [coups] et des ordres glapis sardoniquement auraient dû apprécier de voir quelqu’un se rebeller. Mais, à Stjärnsberg, bien des choses ne se passaient pas de façon normale. C’était un monde à part, dans lequel il n’était pas facile de savoir ce qu’on voyait vraiment. Il avait ses propres lois, ses propres règles et sa propre morale.
En tout cas, le mot de morale revenait souvent dans la bouche du vieux pasteur et du directeur, lors de leurs sermons du matin. Les élèves de Stjärnsberg devaient être plus durs et plus disciplinés que les autres, être capables de tenir le coup dans tous les cas. Ils devaient savoir aussi bien donner des ordres qu’en recevoir. C’était nécessaire car, à l’avenir, ils seraient à la tête de l’industrie et des forces armées du pays.
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