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Israël transit, Entretiens avec Yves derai
Format
Broché
EAN13
9782841874651
ISBN
978-2-84187-465-1
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
POLITIQUE, IDEE
Nombre de pages
238
Dimensions
10 x 10 x 2 cm
Poids
270 g
Langue
français
Code dewey
956.94

Israël transit

Entretiens avec Yves derai

De

Archipel

Politique, Idee

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    22x13x2cm. 2005. Broché. 237 pages. Traduit de Sénès Florence - Illustrations de Jankovics györgy
    6.00 (Occasion)

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DU MÊME AUTEUR

Touvier, un crime français, Fayard, 1994.

Les dieux ne songent qu'à dormir, roman, Flammarion, 1995.

Les Bâtons, roman, Ramsay, 1997.

Papon, un verdict français, Ramsay, 1998.

La Cour, les Nains et le Bouffon, Robert Laffont, 1999.

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Et, pour le Canada,
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Montréal, Québec, H3N 1W3.

eISBN 978-2-8098-1334-0

Copyright © L'Archipel, 2005.

Avant-propos

Quand l'ai-je rencontré pour la première fois ? Était-ce lors du procès Touvier, voici plus de dix ans ? Il était alors seul, comme l'a dit l'historien Henry Rousso, à plaider « pour la vérité, pour l'Histoire, la mémoire et contre un droit dont la géométrie est aussi variable qu'étriquée1 ».

Je connaissais ses parents depuis longtemps. En 1968, j'avais entendu claquer la gifle de Beate au chancelier Kiesinger, pour lui rappeler son passé nazi et donner de l'Allemagne une image différente.

Serge et Beate Klarsfeld n'auront ménagé aucun effort en vue d'obtenir la condamnation des bourreaux impunis et la comparution du régime de Vichy au tribunal de l'Histoire. Ils ont dû pour cela affronter les dictatures, braver les arrestations et essuyer les attentats qui les visaient personnellement. Et comment oublier l'œuvre immense de Serge Klarsfeld pour la mémoire des Juifs de France ?

Partout où étaient Beate et Serge Klarsfeld, dans les moments difficiles, en tête des manifestations, leur fils Arno était avec eux. Peut-être, sans le savoir, l'ai-je vu grandir auprès d'eux. Comme tout le monde, je croyais savoir deux ou trois choses de lui. Il suffisait d'écouter la rumeur : ado attardé, fils à papa, play-boy provocateur, cavaleur grunge, noceur indolent... Lors du procès de Maurice Papon, Alain Finkielkraut avait écrit : « Arno Klarsfeld à rollers, cela va faire grimper l'antisémitisme »...

Je savais pourtant qu'à l'âge de vingt ans ce boutefeu s'était rendu seul à un meeting du Front national et était monté sur la tribune pour traiter Le Pen de raciste, en face, devant cinq mille de ses supporters, et qu'il y avait été sérieusement passé à tabac.

Je savais aussi que cet étudiant brillant était devenu l'un des plus jeunes avocats français et l'un des rares, sinon le seul, inscrits simultanément aux barreaux de Paris, de New York et de Californie.

En 1988, lors d'une visite du pape à Vienne, il s'était affublé de l'uniforme nazi du président autrichien Kurt Waldheim et avait été condamné à dix jours de prison.

Lors de la première guerre du Golfe, il avait tenté de passer en Irak, dissimulé sous un camion, pour intervenir en faveur des otages retenus par Saddam Hussein comme boucliers humains.

On l'avait expulsé de Jordanie pour être intervenu en faveur des réfugiés égyptiens parqués par milliers, sous la canicule, au poste-frontière avec l'Irak.

À Rostock, en 1992, on l'avait écroué pour avoir manifesté contre l'expulsion de cinquante mille Tziganes d'Allemagne vers la Roumanie.

Fin 1997, trois ans après le procès de Paul Touvier, je l'ai retrouvé au procès de Maurice Papon. Parmi d'autres, il défendait les parties civiles. Au plus fort de la polémique et de l'incompréhension que suscitait sa stratégie, j'écrivais dans un éditorial de Tribune juive : « Comment ne pas envisager l'hypothèse où les Klarsfeld auront eu raison contre tous, une fois de plus ? » Quelques semaines plus tard, le jury décidait de le suivre, lui et pas les autres, et d'infliger à l'accusé une peine de dix ans que chacun trouve équitable aujourd'hui.

Donc, je le connaissais. Ou plutôt, je croyais le connaître. Car je ne cessais de me demander : comment peut-on être aussi multiple ? Qui est, où est le véritable Arno Klarsfeld ? J'ai fini par le découvrir à l'occasion d'une « Rencontre impossible » avec Dieudonné, que j'avais organisée pour VSD. L'humoriste venait de commettre son premier « dérapage » en comparant George W. Bush à Oussama Ben Laden. À l'époque, Dieudonné prenait soin d'envelopper ses errements d'un discours anticommunautariste et humaniste qui le qualifiait encore comme interlocuteur possible.

Arno est arrivé, avec cette dégaine incomparable d'adolescent mal léché, mal réveillé, qui fait tout son charme mais donne aussi du grain à moudre à ses détracteurs. Tout au contraire Dieudonné m'était apparu concentré, affûté comme un sportif et, pour tout dire, prêt à en découdre.

Au début, le ton fut celui d'une discussion entre gentlemen. Elle monta en intensité à mesure que nous abordâmes les sujets qui fâchent : les causes et les conséquences du 11 Septembre, le conflit israélo-palestinien, la spécificité de la Shoah, les tensions intercommunautaires en France. Puis, la métamorphose s'opéra sous mes yeux. Le « clochard mondain », que le hasard semblait avoir échoué dans ce studio photo réputé des milieux de la mode parisienne, se mua en brillant avocat des causes qui l'habitent depuis l'enfance. Sûr de ses références historiques, combatif, il ne laissait rien passer. En face, son contradicteur s'embrouillait dans la chronologie et la géographie. À la fin de ce duel à fleurets démouchetés, les deux hommes se serrèrent froidement la main. Dans les jours précédant la publication de ce face à face, l'attachée de presse de Dieudonné, qui se produisait désormais sans son ex-comparse Élie Semoun, me harcela de coups de fil, visiblement inquiète du résultat final.

De ce jour, je ne l'ai plus perdu de vue, l'invitant régulièrement dans mon émission de débat sur BFM ou dans « À tort ou à raison », que présentait Bernard Tapie sur TF1. Chaque fois, j'ai été frappé par l'attitude contrastée de ce « bon client » médiatique : lymphatique et détaché dans le premier round, pugnace et terriblement efficace au cœur du combat.

Après l'intervention américaine en Irak, en 2003, je l'ai vu de plus en plus irrité par le traitement journalistique du conflit au Moyen-Orient et par la politique du duo Chirac-Villepin. Je lisais avec intérêt ses tribunes libres dans Le Monde, toujours très construites, servies par un style sûr, parfois virulent. Je lui proposai d'écrire un livre sur le conflit, plus précisément un plaidoyer en faveur de l'État hébreu.

C'était avant qu'il ne prenne la nationalité israélienne et ne s'engage dans l'armée de ce pays. Le projet de livre, dès lors, passait au second plan de ses préoccupations. À trente-sept ans, ayant satisfait aux tests physiques et psychologiques, il intégrait à sa demande une unité de combat, celle des Magav, ces garde-frontières dont les visages apparaissent régulièrement en première page des quotidiens israéliens, assortis de quelques lignes nécrologiques.

Arno a donc revêtu le treillis militaire. C'est cette expérience originale qui a constitué le point de départ de nos entretiens et m'a permis, enfin, de le cerner dans toute sa complexité. Je l'ai trouvé à la fois passionné et rationnel, émouvant et drôle, amoureux d'Israël et sensible à la détresse du peuple palestinien, fier de son uniforme mais favorable à la rétrocession des territoires conquis par Israël en 1967. Au fond, paradoxal et cohérent.

Yves DERAI

1.Libération, 15 avril 1994.

1

On a toujours assez de cerveau pour être soldat

YVES DERAI : Vous avez été soldat d'Israël pendant un an, mais auparavant aviez-vous servi dans l'armée française ?

ARNO KLARSFELD : Non, j'ai été exempté, catégorie Y5. Aux trois jours, à Vincennes, l'ophtalmologue a jugé que l'acuité de mon œil droit était trop faible. Les officiers recruteurs ont-ils craint, s'il m'advenait un accident à l'œil gauche au cours du service, que de borgne je ne devienne quasi non voyant ? Avaient-ils atteint leurs quotas ? Je l'ignore.

En Israël, c'est aussi l'acuité visuelle qui, entre autres, a failli m'interdire l'accès à l'armée. J'ai été examiné deux fois à la conscription. Après palabres, les deux ophtalmologues militaires m'ont remis une ordonnance pour passer des tests qu'ils ne pouvaient ou ne voulaient pas effectuer sur place.

Je me suis rendu au cabinet d'une spécialiste. Juive allemand...
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