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Les choses qu'on ne dit pas
Format
Broché
EAN13
9782841877843
ISBN
978-2-84187-784-3
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
ARTS ET SPECTAC
Nombre de pages
235
Dimensions
22,7 x 13,9 x 2 cm
Poids
310 g
Langue
français
Code dewey
846.92

Les choses qu'on ne dit pas

De

Archipel

Arts Et Spectac

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DU MÊME AUTEUR

Ma France buissonnière, La Martinière, 1998.

Dans l'air des mots : 30 ans de chansons en images, La Martinière, 2004.

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eISBN 978-2-8098-1277-0

Copyright © L'Archipel, 2006.

À ma Noëlle

Ouverture des lettres...

L'enveloppe qu'on décachette, la couleur de l'encre, la texture du papier, rien ne remplace vraiment l'émotion de recevoir une lettre manuscrite. On reconnaît (ou pas) l'écriture entre mille, l'impatience vous gagne jusqu'au premier mot. Là, l'univers s'efface devant les feuillets ouverts, un peu rigides, qui portent encore les marques de la pliure. Désordonnée ou, au contraire, régulière et ronde, l'écriture brosse déjà entre les lignes un premier portrait de l'auteur. Écrire, c'est se dévoiler, s'engager davantage qu'en paroles. Tout vous révèle et ce trait fin qui virevolte et déroule ses secrets, c'est le fil d'un cœur, un trait d'esprit, une âme.

Parmi les plus belles lettres que j'ai reçues, certaines sont restées gravées en moi de façon indélébile, et font aujourd'hui partie des trésors de ma vie.

L'avènement du fax, l'éclosion d'Internet et les courriers électroniques ont relancé le goût d'écrire. Mais le contact du papier, que quelqu'un d'autre a choisi pour vous, a glissé dans ce pli et refermé, le voyage qu'il a dû faire pour parvenir entre vos mains, le temps qu'il faut attendre pour savoir font partie d'un rituel de poésie et de mystère. On peut relire, rouvrir, conserver ces lettres précieuses quelque part, dans un tiroir, une boîte discrète posée en évidence mais que nul ne remarque... On ne dit jamais assez aux gens qu'on aime qu'on les aime. Qu'ils le devinent ne suffit pas. Gabriel Garcia Marquez aurait écrit une lettre à ses amis dans laquelle il leur dit : « Garde près de toi ceux que tu aimes [...], prends le temps de leur dire “je regrette”, “pardonne-moi”, “s'il te plaît”, “merci” et tous les mots d'amour que tu connais. Personne ne se souviendra de toi pour tes pensées secrètes. » Peut-être n'est-il jamais trop tard pour exprimer ses sentiments, mettre des mots sur l'essentiel ? Si la mémoire se joue du temps, portera-t-elle les messages à leurs destinataires, dans ce monde ou dans un autre ?... La seule chose, semble-t-il, qui parvienne à voyager vers l'au-delà, c'est l'amour que l'on a semé, partagé...

Comme m'a dit Martine, notre fille, en parcourant ces pages, c'est un livre que nous devrions tous essayer d'écrire... Lorsque j'ai commencé à composer ces lettres, je n'appréhendais pas encore la route intérieure qu'elles allaient tracer, le bonheur que j'allais éprouver à mettre des mots sur les rencontres, les êtres et les événements qu'elles évoquent, sur les souvenirs qu'elles font renaître. Je ne concevais pas encore le plaisir de s'adresser d'égal à égal avec la Terre, la Musique, Dieu ou la Politique... Et, surtout, je ne savais pas encore que cette mosaïque serait le portrait d'une vie. Noëlle, qui l'avait compris bien avant moi, m'a encouragé, nourri d'idées, elle a éclairé mon écritoire d'une flamme de passion à laquelle elle m'a permis de donner forme et vie. Elle est la messagère de tous ces mots que la pudeur retient trop souvent, et qui s'envolent ici vers leurs destinataires...

Et c'est parfois dans ceux qui restent à dire
Que sont cachés les plus beaux souvenirs
Toutes les choses qu'on ne dit pas
Et dont les mots, les mots n'existent pas.

Toutes les choses qu'on ne dit pas
Mais que l'on garde pour toujours au fond de soi
Et qu'on emporte en l'au-delà
Là où les mots, les mots n'existent pas.

« Les Choses qu'on ne dit pas »

À ma tante Germaine

Chère tante Germaine,

M'adresser à toi est encore difficile, à cause du chagrin de ton départ, mais aussi parce que, par ta stature et ta bienveillance, tu étais le lien avec notre famille, cet arbre aux racines profondes et aux ramifications multiples. Petit enfant, c'est chez toi à Dijon que je m'étais risqué à la flûte sur « le pont de la rivière Kwaï » en essayant (en pure perte) de suivre le disque qui sifflait à tue-tête « La marche du colonel Bogey ». Tu avais compris en me voyant diriger l'orchestre, tout seul devant le vieil électrophone Teppaz, que la musique vibrait déjà en moi comme une vocation. Chaque fois que nos regards se sont croisés, ton visage s'illuminait d'un sourire. Durant toute votre vie, avec Papa, vous vous écriviez, chaque semaine, des lettres toutes simples, comme une chronique de la vie familiale. Lorsque maman nous a quittés, tu as été un peu notre seconde mère.

En famille, si on parlait des camps, il était inutile de préciser lesquels : c'était pour évoquer la mémoire de ceux parmi les nôtres qui n'en étaient pas revenus. Comme beaucoup d'enfants juifs après la guerre, nos parents nous avaient fait baptiser, dans l'espoir de nous protéger contre une nouvelle vague d'antisémitisme. La shoah avait imprimé sur nous sa peur, à travers les récits terrifiants des contrôles dans les trains, l'obsession des papiers, ceux qui, déguisés en femmes, étaient démasqués par les officiers allemands qui, négligemment, laissaient tomber un objet entre leurs jambes. Ils serraient les genoux comme les hommes au lieu de les écarter pour tendre la jupe. Le silence était devenu un réflexe. Consciente de cette dualité d'origines et de culture, tu t'efforçais de combler ce fossé entre la judaïté de nos racines et le baptême catholique que nous avions reçu avec la « bénédiction » de tous. Élevés sans croyance et loin de la tradition hébraïque, nous avons grandi sans références, et toutes les occasions étaient bonnes pour évoquer avec toi ce passé, sombre et douloureux, sur lequel nous avions encore tant de mal à nous pencher. D'un côté, ce baptême « de précaution », pour lequel ton papa, grand-père Eugène, avait composé un petit poème teinté d'humour à destination de la communauté juive, m'avait laissé son empreinte. Et, de l'autre, les films qui m'arrachaient des larmes s'appelaient La Vie devant soi, Exodus, La Liste de Schindler ou Le Choix de Sophie...

Yves Boisset, sans le savoir, m'a lui aussi ouvert un chemin. Le cinéaste présentait son nouveau long-métrage sur le combat d'un petit groupe d'écolos contre le tunnel du Somport. Nous avons sympathisé et, alors que je l'interrogeais sur ses projets, j'ai reçu sa réponse comme un choc au plexus : « Je suis en train de finir le tournage d'un Dreyfus... » J'avais jusque-là respecté le non-dit, mais je suis sorti de l'ombre en lui disant : « Je suis son petit-neveu... » Pour la première fois, un courant d'air frais entrait dans ma maison. Ce rai de lumière s'est posé comme un parfum de vérité sur une zone obscure de mon enfance. La chape de plomb dont je finissais par ne plus sentir le poids venait de s'entrouvrir, et le silence autour de « l'Affaire » a commencé à se fissurer. J'ai eu envie de défendre sa mémoire, de perpétuer son innocence. Comme une mission, un héritage posé entre mes mains, l'idée d'écrire une chanson faisait son chemin. Avec Simone Perl, petite-fille du capitaine, qui disait « Grand-père » en parlant de lui, vous avez toutes deux redonné vie à cette page restée blanche pour moi. L'Histoire n'avait retenu de Dreyfus que son visage, et non son courage. Simone m'a guidé à travers les méandres des fausses pistes, les hypothèses hasardeuses démontées par les historiens, les mensonges et les rumeurs destinés à égarer l'opinion. Tes encouragements et les détails vécus que tu m'as apportés m'ont permis de rendre l'image plus fidèle à son admirable vérité. Petite, tu avais sauté sur les genoux de cet homme qui, bien malgré lui, a défrayé la chronique durant un siècle... D'anecdotes en scènes de la vie quotidienne, Alfred Dreyfus m'est devenu plus proche, plus intime, j'ai découvert son histoire... la nôtre, et aussi ta tante Lucie, l'épouse courageuse, source de force et d'amour durant toutes ces années de séparation. Hébergée en secret à Valence par mes parents sous ...
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