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Le charme fou des Emilie
Format
Poche
EAN13
9782012004313
ISBN
978-2-01-200431-3
Éditeur
Hachette
Date de publication
Collection
Bibliothèque verte (1408)
Nombre de pages
16
Dimensions
18 x 11 x 0,9 cm
Poids
108 g
Langue
français

Le charme fou des Emilie

De

Hachette

Bibliothèque verte

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e9782012033351_cover.jpge9782012033351_pagetitre01.jpgTABLE1. La campagne belle à pleurer
Shaïne Cassim
Shaïne Cassim est née en 1966 à Madagascar. D'origine indienne, elle vit en France depuis l'âge de sept ans.Lectrice professionnelle et traductrice pour plusieurs éditeurs de littérature jeunesse, Le charme fou des Émilie est son troisième roman. Comme ses personnages, elle se prend les pieds dans la réalité. Voilà pourquoi elle préfère écrire...
Couverture illustrée par Virginie Fréchuret et François MartinPublié avec le concours
du Centre National du Livre
© Hachette Livre, 2000.43, quai de Grenelle, 75015 Paris.978-2-012-03335-1Du même auteur dans
Vertige Coup de foudre
• Achille aime Joséphine qui aime Paul (qui n'aime personne)À Marielle Gens,
qui m'a appris ce que le mot confiance veut dire.« On se présente
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Emily Dickinson, Escarmouches11LA CAMPAGNE BELLE À PLEURERJ'ouvre les yeux et je découvre ma chambre tout endormie. Sur la table au fond de la pièce, une multitude de choses aux contours flous. Je devine quelques livres entassés, mon Walkman, une longue forme rouge — sans doute une de mes espadrilles, taille 41. Je frotte mes pieds l'un contre l'autre tout en louchant vers le réveil. Impossible de déchiffrer l'heure. Les aiguilles sont trop fines. Je détourne la tête. L'odeur entêtante du vase de lis déposé sur le lavabo parvient jusqu'à moi.« Ce que tu es romantique, Thomas ! » s'est moquée Maman quand elle m'a vu monter avec les fleurs sous le bras hier soir.J'ai gardé la tête haute malgré la rougeur qui incendiait mes joues. Elle ne sait pas ce qui est beau. Tant pis pour elle. J'adore leur effluve. Surtout le matin quand il surgit dans le silence de la maison de campagne. Loin de Paris et pour moi seul. L'aube et ce parfum un peu lourd, âcre et huileux tout à la fois. Mais j'aime les lis. Je les trouve hautains, méprisants, indifférents. Tout ce que j'aimerais arriver à être. Donner l'impression d'un garçon calme et très sûr de lui. Je plisse les yeux pour compter les rayures du papier peint au-dessus de la table. Je n'y arrive pas. Je suis lamentable. Je déglutis, je suis un peu triste, pas beaucoup, juste assez pour être comme j'aime. Je tâtonne vers ma table de chevet. J'attrape mes lunettes.Il est cinq heures moins le quart. Et il y a quatre carreaux jaunes traversés de dix rayures vertes sur le papier peint au-dessus de la table. Je devrais le savoir, j'occupe cette chambre tous les étés depuis seize ans.
J'enfile un pull et, lunettes sur le nez, je descends l'escalier pieds nus. Je fais attention parce que je suis myope et maladroit. J'ai réussi à exaspérer Papa hier soir.« Par pitié, Thomas, je sais que tu as deux bras gauches mais essaie de te comporter comme si tu étais un être humain comme les autres », a-t-il marmonné en épongeant le café que je venais de verser sur ses genoux.Il s'était tout de suite excusé en s'apercevant que j'étais mal.« Pardon, mon vieux. Je suis de mauvaise humeur, c'est la faute d'Empédocle. »Mon père écrit depuis trois ans un livre sur un dénommé Empédocle. Un philosophe, paraît-il. Ce n'est pas le cas de Papa, qui est agité, voire invivable, depuis qu'il se consacre à son idole. Quant à moi, je suis plutôt émotif, je le sais. Maman répète que je suis de la nature sensible des poètes. Pour faire viril, je lui ai fait savoir que j'étais d'une nature sensible capable de meurtre si on me cassait trop les pieds. J'ai pris un air si menaçant qu'elle s'est tout de suite replongée dans sa revue de décoration.Je m'avance et, soudain, mon coeur se met à battre à très grande vitesse. Sur le tapis, près de la véranda, traîne un nounours abandonné. Comment Ferdinand Figuier, huit ans et trois mois, incapable de faire un pas sans son animal en peluche favori, a-t-il pu le laisser dans le salon ? Une idée terrible se présente à mon cerveau. On a kidnappé mon seul et unique petit frère. Je remonte les marches et, au fond du couloir, je tourne lentement la poignée de la porte. Ferdinand est endormi dans son lit, le pouce enfoui dans la bouche, tandis que de l'autre main, le pelotonnant contre lui, il agrippe un malheureux chaton par l'oreille. Je respire. Une fois de plus, je me suis inquiété pour rien.Cette fois-ci, direction le champ, sans pause dans la maison. Hors de question de me faire du souci à la première peluche égarée. Je suis un garçon sensible mais il ne faudrait pas trop pousser quand même. Je frissonne, la plante des pieds trempée par la rosée dans l'herbe du jardin. Les tomates se réveillent, le poirier où je grimpe quand je ne veux pas qu'on me trouve est entouré de brume. Plus loin, sur le chemin qui descend au village, les tilleuls eux aussi se baignent dans le brouillard. Je me glisse sous le barbelé qui entoure le champ de blé. Le soleil va doucement le réchauffer. Je le vois tout au bout, par-delà la vallée, gros et rouge. Solide. Moins frêle que moi. Un coquelicot égaré oscille au gré de la brise. J'effleure à peine le pétale et mes yeux se transforment en petites mares. Je sanglote, la tête enfouie dans le blé.
J'entends un miaulement. Le chaton se roule en boule devant moi. Une petite main chaude se pose alors sur ma nuque.« Chagrin ? » demande Ferdinand.Je secoue la tête en essuyant mes larmes. Ferdinand est très économe. Il s'exprime rarement et, quand il daigne s'adresser à nous, il choisit la formule la plus courte.« Mal ? insiste-t-il.— Non. Bonheur. »Il fronce les sourcils blonds qui ombragent ses yeux verts. Soudain, son visage rond s'illumine. Sa bouche s'étire en un grand sourire. Il prend son copain tout neuf et le serre contre lui.« Comprends », dit-il en fermant les yeux.
Ferdinand, Noisette le chaton et moi sommes revenus vers le jardin. Maman préparait le petit déjeuner, le visage encore brumeux de sommeil.« Bonjour, mes enfants. Venez dans mes bras. »1Le choix de poèmes d'Emily Dickinson est extrait du recueil publié dans la collection Orphée, éditions de La Différence.
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