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Piaf secrète
EAN13
9782841875221
ISBN
978-2-84187-522-1
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
ARCHIPEL.ARCHIP
Dimensions
23 x 14 cm
Poids
294 g
Langue
français
Code dewey
782.421

Piaf secrète

De

Préface de

Archipel

Archipel.Archip

Indisponible
DU MÊME AUTEUR

Les Loups de l'amiral, Fayard, 1970.
Le Choix, Fayard, 1971.
Fortune de mer, avec Olivier de Kersauson,
Presses de la Cité, 1976.
Seule la victoire est jolie, avec Michel Malinovski,
Éd. maritimes et d'outremer, 1977.
Petit dauphin sur la peau du Diable, avec Daniel Gilard,
Plon, 1978.
La Grâce de Dieu, Julliard, 1978.
La Banquière, avec Georges Conchon, Ramsay, 1980.
Larguez les mémoires,
Éd. maritimes et d'outremer, 1981.
La Mariée de l'ombre, Ramsay, 1985.
L'Étourdi, Lattès, 1985.
Vengeance, Plon, 1986.
Le Pied à l'étrier, Grasset, 1987.
Homme libre, toujours tu chériras la mer,
avec Olivier de Kersauson, Fixot, 1994.
Le Siècle du Belem,
avec Philip Plisson, Gallimard Jeunesse, 1996.
Chers Italiens, de Fallois, 1996.

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eISBN 978-2-8098-1180-3

Copyright © L'Archipel, 1993, 2007.

C'était un être dramatique qui adorait la vie.

Du moins, c'est ainsi que j'ai toujours considéré Édith Piaf, une femme qui avait trouvé dans le rire son refuge.

Notre première rencontre eut lieu dans un studio de radio. C'était il y a longtemps. C'était en 1946. Un échange de regards avait suffi pour qu'aussitôt une incroyable complicité nous rapprochât. Le soir même, j'étais invité chez elle dans l'appartement de la rue de Berri, sommairement meublé, qu'elle avait loué.

Notre amitié avait été immédiate comme un coup de foudre.

Ce soir-là, je découvrais que Piaf était un personnage fait d'instinct et d'impulsions : elle aimait ou elle détestait. Sans nuances.

On a beaucoup écrit sur elle. On a raconté ses excentricités et ses excès, ses extravagances et ses débordements. On a beaucoup décrit et décrié ses amours tumultueuses.

Personnage caméléon, Piaf a su malicieusement, au gré de ses rencontres et de ses humeurs, brouiller les pistes et camoufler sa véritable identité en se racontant chaque fois avec la plus totale sincérité.

Édith, c'est l'exercice talentueux et incomparable de la double personnalité. Il y a celle qui a bâti sa légende. Il y a celle de la réalité qui a influencé sur son talent, sans altérer son comportement. C'est son drame physique et son passé dramatique qui se retrouvent dans son art. Personne n'a éprouvé une telle joie de vivre tout en se détruisant physiquement. Elle répétait souvent, avec des accents poignants : « Je les paie cher, mes conneries. » C'était un constat, pas un regret. Car, ainsi qu'elle l'a chanté, Piaf n'a jamais rien regretté. D'ailleurs, elle avait pour chacun de ses actes un alibi moral irréfutable qui lui valait l'absolution de ses admirateurs. L'alcool et la drogue, qui ont sapé ses forces, nous ont valu un mea culpa bouleversant.

L'alcool. « J'ai bu après la mort de Marcel Cerdan. » Pour lui, à Paris et à New York, elle interprète, pathétique, l'Hymne à l'amour ; son chagrin et son désespoir sont abominablement vrais. Mais, en même temps, elle tisse sa légende. Le soir, après le spectacle, qu'elle soit à Paris ou aux États-Unis, elle réunit ses amis pour leur parler du disparu qu'elle n'oubliera jamais, et pour noyer sa peine, elle boit. De tout : du vin rouge, du whisky, de la bière surtout. Il y a, bien entendu, dans son entourage des fripouilles qu'elle aime bien, qui abreuvent son vice. Ils arrivent, chaque soir, les bras chargés de bouteilles. « Édith est malheureuse : il faut l'aider à oublier », prêchent-ils. Elle boit. Et commence alors la série des cures de désintoxication. L'infirmière, qui la veille fouille chaque soir sous le matelas et les oreillers, débusque les bouteilles que l'artiste a cachées... Enfin, quand le chagrin s'estompe, la soif s'étanche.

Qui peut en vouloir à une femme, à moins d'avoir un cœur de pierre, de s'être enivrée pour oublier Marcel ?

La drogue prend la relève. La morphine est son nouveau refuge. Les mêmes qui l'approvisionnaient en alcool la ravitaillent en stup. Piaf paie ses amis dealers le prix fort. La morphine, pourquoi ? Piaf s'est racontée.

« J'étais en tournée. Une nuit, alors que je me rendais dans la ville suivante, où je devais chanter, la voiture a raté un virage et quitté la route. Quand on m'a extraite de l'amas de ferraille, je souffrais de nombreuses fractures. On m'a rafistolée. Mais, comme je souffrais atrocement, on a dû m'administrer de la morphine pour calmer ma souffrance. C'est ainsi que je me suis accoutumée à cette drogue. Sans l'accident, jamais je n'aurais touché à ça. »

Une fois encore, les allers et retours dans les cliniques de désintoxication se succèdent. Une fois encore, il faut que son entourage, à commencer par son imprésario, Louis Barrier, monte la garde pour écarter les pourvoyeurs qui font leur beurre avec leurs livraisons.

Personnage imprévisible, donc fantasque, elle exerçait sur ses amis une tyrannie constante à laquelle nul ne songeait à se soustraire. Elle demandait d'une voix fluette de petite fille (quand cela l'arrangeait) ou sur un ton cassant et excédé (elle y excellait) : chacun s'assujettissait, prisonnier volontaire de son pouvoir. J'en ai moi-même fait les frais. C'était à New York. Je la suivais dans sa tournée. J'avais un nez busqué d'Arménien que j'aimais bien : c'était le mien ! Longtemps elle me harcela pour que je le fasse réduire en me soumettant à la chirurgie esthétique. Finalement, sous l'avalanche quotidienne de ses arguments (« Tu ne peux pas vivre avec un nez si proéminent », etc.), je finis par capituler. Je me laissai opérer. Quand, quelques semaines plus tard, mes yeux boursouflés et pochés eurent retrouvé leur forme et leur couleur normale, quand mon nouveau nez eut bien dégonflé, je me présentai devant elle. D'abord, elle ne me reconnut pas. Puis, avec une petite moue, elle me dit : « Je te préférais avant... »

Avoir l'honneur d'appartenir au clan de ses amis n'était pas une sinécure. Il fallait être présent à tout moment. Il fallait épier sa démarche, son regard, son laisser-aller vestimentaire pour flairer– sans se tromper– si elle était grincheuse ou malheureuse.

Elle n'aimait ni le jour ni la solitude, mais vivait rideaux tirés, comme dans la nuit. Elle avait besoin d'amour et de protection. Nous subissions son envoûtement. Quand le médecin la mettait au régime « coquillettes à l'eau », tous, nous dégustions avec des mines gourmandes les ignobles petites pâtes fades. Quand, à la suite d'une visite, Jean Cocteau parlait, emphatique, d'un ouvrage ennuyeux à périr, La Recherche de la vérité, Piaf contraignait tout son monde– Marcel Cerdan compris– à le lire, le réciter, le commenter. Idem, plus tard, avec l'œuvre de Teilhard de Chardin, rebaptisé spirituellement par nous : Théière dans le jardin.

Les gens cultivés qui la rencontraient étaient éblouis, sidérés même, par les connaissances de Piaf. Paresseuse et impatiente, elle ne lisait pas. Elle parcourait les ouvrages ou se les faisait résumer par des amis chargés de ces corvées de lecture. Édith glanait de la culture, assimilait en surface, juste ce qu'il fallait pour épater.

Les soirées « littéraires », cependant, étaient rares. Lorsqu'elle n'était pas en tournée, quand elle ne préparait pas un tour de chant ou donnait des récitals, l'hilarité était de rigueur. La mission de chacun était simple : déclencher son fou rire.

Amours naissantes ou amours déclinantes nécessitaient des attentions permanentes. Dans ses moments de tristesse ou de détresse, il nous fallait guetter le moment propice pour débiter une ânerie qui la dériderait, dessinerait un sourire, lui arracherait un rire.

C'était un rire de gorge, profond, émouvant, inoubliable. Un rire qui, souvent, la libérait d'une angoisse, d'un chagrin, de la peur– l'unique peur que Piaf connût– de ne plus pouvoir remonter sur scène, chanter, conquérir ces foules qui l'adulaient.

Pour moi qui l'ai connue jusqu'au bout de sa vie, pour moi qui l'ai vue si souvent à l'article de la mort et puis ressusciter miraculeusement, comme soutenue par une force invisible (...
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