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Le jour du grand saut
Format
Poche
EAN13
9782013213936
ISBN
978-2-01-321393-6
Éditeur
Le Livre de poche jeunesse
Date de publication
Collection
Livre de Poche Jeunesse (591)
Nombre de pages
160
Dimensions
17 x 11 x 0,9 cm
Poids
110 g
Langue
français
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1?>« Henri, tu ne crois pas qu'il est temps d'y aller ? »Venant du rez-de-chaussée, la voix de maman a grimpé l'escalier pour pénétrer en coup de vent dans la chambre d'Henri. Il soupire. Y aller, ça veut dire à l'école, bien sûr.Et le lundi, après un jour et demi de tranquillité, c'est dur de s'y remettre. Surtout quant on a passé un dimanche entier à la maison, avec ses parents, avec papa en particulier, qui lui a construit avec des bouts de ferraille, des bouts de plastique, des bouts de trucs et de machins, un translateur intergalactique.C'est un engin fantastique, le translateur intergalactique. Il permet d'envoyer un être humain à l'autre extrémité de l'univers, par dissolution... non, par dissociation moléculaire. Il suffit de placer le sujet sous le rayon dissociateur, d'appuyer sur un bouton, et zip ! — disparu, le sujet.Le dissociateur trône sur sa table à devoirs. Il aimerait bien tenter encore l'expérience avec le cow-boy en plastique. Juste une fois ! Déjà son doigt avance vers le bouton magique. Mais, d'en bas, la voix de maman revient l'asticoter.« Henri ! Tu m'as entendue ? »Les mots ont claqué comme une gifle. Plus de temps à perdre ! Henri se détourne de son jouet de science-fiction, enfile son blouson vert pomme et saisit au vol son sac.Il jouera ce soir. Ou peut-être un tout petit moment entre midi et une heure, après manger. Le jouet bricolé par papa n'est évidemment pas aussi beau que ceux qu'on voit dans les vitrines. Le rayon dissociateur n'est qu'une petite ampoule de lampe de poche alimentée par une pile. Et le cow-boy ne va pas à l'autre extrémité de la galaxie, il se contente de tomber dans une trappe qu'ouvre le bouton quand on presse dessus. Mais ce qui est formidable, c'est qu'il s'agit d'un jouet fabriqué par papa.Justement papa est là quand Henri déboule au rez-de-chaussée et passe le nez par la porte de la cuisine où, un quart d'heure plus tôt, il a avalé en dix secondes le yaourt aux fruits du matin. Papa est assis à la table, il boit son café noir dans un grand bol qu'il tient dans sa grande main. Ses yeux, qui semblent posés sur le rebord du bol, se fixent sur son fils. L'un d'eux, le gauche, cligne.« Dépêche, bonhomme, tu vas être en retard... »Papa a reposé son bol. Le ton n'est pas sévère. D'ailleurs, à cause des plis en étoile au coin de ses yeux, il a toujours l'air de sourire, même quand il ne sourit pas.« J'y vais, p'pa ! » clame Henri en reculant dans le couloir.Il s'y heurte à maman, qui se penche pour poser un bisou sur sa joue. Elle s'est déjà relevée avant qu'il ait pu le lui rendre.« File, mon chéri. A tout à l'heure. »Elle a parlé un peu distraitement, lui tourne le dos. Dans la cuisine, elle va rejoindre papa, sur l'épaule de qui elle pose une main. Papa est grand, maman toute petite. Papa a les cheveux roux et frisés, maman les a noirs et plats. Ses yeux aussi sont noirs. Ceux de papa sont bleus. Maintenant ils se parlent, mais trop bas pour qu'Henri entende. D'ailleurs il doit filer, vite !C'est quand même drôle de toujours voir papa à la maison quand il part pour l'école. Avant, c'est-à-dire l'an dernier, il n'y avait que maman. Papa était au travail. Mais, depuis bientôt un an, il est au chômage. Alors il reste à la maison.Henri sort, rabat dans son dos le lourd battant de la porte. Du fond du jardin un bolide se précipite sur lui, se dresse, cale ses pattes sur ses épaules, lui balaie la figure de sa langue baveuse. Le bolide s'appelle Rox, c'est un chien, son chien, une bête jaune de race incertaine, qui ne tient pas en place et dont l'amitié est envahissante.« La paix, Rox ! Tiens-toi tranquille, mon vieux Roxy ! »Henri réussit à se dégager, Rox l'escorte jusqu'au portail, tournant autour de lui, jappant, mordillant le bas de ses pantalons. Le portail grinçant jamais fermé au verrou est repoussé sur le monstre, qui lance une dernière salve d'aboiements en voyant son jeune maître s'éloigner sur le trottoir.Henri a remonté la fermeture de son blouson. Il fait froid, un froid de novembre, qui pique le nez et les joues, qui surprend après la douceur d'octobre. Le ciel est tout gris, un gris de novembre. La rue aussi est grise, mais ça, ce n'est pas à cause du temps, c'est à cause de la barre des immeubles de la cité des Acacias, qui bouche tout l'horizon derrière sa maison. Il n'aimerait pas vivre là-bas. Il préfère sa maison avec le jardin.Huit heures et vingt minutes. Vingt et une, même. Aïe aïe aïe ! La classe commence à huit heures et demie pile, et l'école Albert-Einstein est à cinq cents mètres de la maison. Il va être en retard. Il l'est déjà. Pourquoi a-t-il autant traîné, ce matin ? Ah oui, le translateur intergalactique. S'il en avait un pour aller à l'école, tiens !Il laisse passer une petite file de voitures libérées par un feu rouge passé au vert, traverse la rue des Frères-Lumière. Ses jambes tricotent sur le trottoir où il est le seul passant, il longe un mur bas à l'arête mordue par l'âge, et soudain se fige devant un portillon en bois plus que branlant. Coup d'oeil entre les lattes, coup d'œil à gauche, coup d'oeil à droite... Toujours personne !
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