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Format
Broché
EAN13
9782407000647
ISBN
978-2-407-00064-7
Éditeur
"Honoré éditions"
Date de publication
Nombre de pages
273
Dimensions
22 x 15 x 2,8 cm
Poids
600 g
Langue
français

Coco

"Honoré éditions"

Non commercialisé sur notre site
Vous me trouverez un peu froide ; disons que les mots me manquent pour vous parler de ce mal qui me ronge à dix-neuf ans et qui se nomme solitude. Je cours, le dimanche ou le lundi, Porte des Lilas, rendre visite à ma sœur : elle m’emmène parfois au Moulin Rouge mais les filles qui dansent en relevant leur robe à froufrous devant tous ces inconnus, au milieu desquels je suis assise, me font sentir à quel point je suis seule. Lorsque le lundi, parce que la séance est moins chère, je vais au cinéma, les histoires d’amour qu’interprètent les acteurs me soulèvent le cœur et je retiens ses bonds pour ne pas éprouver dans l’indifférence générale des sentiments que, de toute façon, personne ne partage avec moi.
L’idée a germé lentement. Peut-être à force de longer, sur le chemin du travail, les petits bars étriqués et coincés au milieu de ces tavernes aux bâches rouges, au hall carrelé, aux hauts plafonds donnant sur un aquarium géant d’où bruissent les jets d’eau. Qu’aurais-je fait de tout ce déploiement de faste où je me serais exposée à l’anonymat comme au spectacle ? De ces troquets exigus qui devraient inviter à la proximité, il s’en trouvait un certain nombre, les uns suintant, à l’aspect de leur façade, la décrépitude, les autres déserts et silencieux, peu engageants, à vrai dire.
Je guettais, à sept heures du soir en été, marchant le long du trottoir, une devanture avantageuse, lorsqu’au loin, je vis quelques tables de bar autour desquelles parlaient des buveurs à même le trottoir, et, sans marquer une hésitation, peut-être parce que mon geste était prémédité, je suis entrée.
Il y avait là, face à moi, un comptoir derrière lequel un serveur me salua, deux jeunes hommes accoudés à une extrémité du zinc, qui discutaient à bâtons rompus littérature, et un homme un peu plus âgé, quelconque.
J’ai commandé un kir et me suis assise au comptoir, comme si de rien n’était. Comme si ce genre de chose m’arrivait tous les jours, passant, sans y prêter outre mesure attention, sur le fait que je ne buvais jamais d’alcool. Du haut du tabouret, j’ai embrassé la salle du regard mais n’y ai vu que de vieux messieurs imbibés d’alcool dont les visages rouges et bouffis trahissaient les ravages. Spontanément, j’ai regardé à ma droite cet homme, peut-être vingt-huit ans ou pas tout à fait, qui ne regardait rien, offrant son profil à mon regard. Quelconque ? La peau mate, les yeux et les cheveux noirs, les sourcils peu fournis et arqués, les traits marqués et singuliers, l’attitude impassible de l’Indien ou de l’Andalou m’attirèrent. Je veux dire qu’ils m’interrogeaient, plus qu’ils n’occasionnèrent chez moi un élan, ils attisaient ma curiosité. J’ai dû le détailler un peu trop, m’arrêter sur la marinière qu’il portait, constater qu’il n’était pas grand et plutôt trapu, pour qu’il m’adresse la parole.
Il n’a pas souri. Il s’est retourné, a esquissé un geste de la tête pour me saluer et m’a dit : « Bonjour. Je vous offre un verre ? » Je n’allais quand même pas ac
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