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17 juillet 2013

La route des Flandres

Quelque part dans la première moitié des années quatre-vingt à Marseille, j’ai dix-huit ou vingt ans, je suis en fac de lettres et j’entre ouvertement en guerre contre l’ensemble du pays. J’ai en gros lu tout Flaubert, Proust et Maupassant (d’accord, j’exagère sûrement un peu, mais bon) et selon moi désormais rien de bon ne s’écrit et ne s’écrira en France. La littérature parisienne me paraît fade et le vendredi soir je baille en regardant Bernard Pivot tant ses invités me semblent pour la plupart dénués d’intérêt –on est trop sérieux quand on a dix-huit ans.

Personne, aucun de mes professeurs si malins, personne ne m’a jamais parlé de Claude Simon, qui à l’époque est toujours bien vivant et continue à écrire. Il n’a pas encore eu le Nobel. Il est adulé aux Etats Unis cependant, je ne sais par quelle étourderie, l’Université française le boude.

Mais c’est à ce moment-là que je le lis pour la première fois.

On ne dira jamais assez combien la découverte d’un auteur peut changer une vie. Soudain, je constate que quelque chose est possible dans ce pays, soit une liberté, une façon totalement personnelle de donner à la langue française un rythme inédit, au genre romanesque une couleur nouvelle, bref de faire la révolution par le texte. Et puis, le travail de Claude Simon contient aussi ce que je ne m’explique pas sur l’instant parce que je suis probablement trop jeune, ce que je mettrai des années à vraiment comprendre : le temps qui passe et les souvenirs, le deuil, la mort, ce qui n’est plus et ce qui nous hante, et la première phrase que je lis de lui m’attrape par surprise et me bouleverse.

" La route des Flandres " est probablement mon préféré, et le plus emblématique des livres de Claude Simon. L’action se déroule durant la dernière guerre et le narrateur est un jeune soldat. Il est convaincu que le capitaine de Reixach, qui a été abattu sous ses yeux, est allé consciemment au devant de la mort dans un acte plus suicidaire qu’héroïque. Avec Blum, un camarade, il interroge inlassablement Iglésia, qui a longtemps été l’aide de camp du capitaine. Les trois hommes sont enfermés dans un camp de prisonniers et les questions deviennent obsessionnelles. De Reixach n’est-il pas mort d’avoir éperdument aimé Corinne, sa trop jeune et trop belle épouse ?

La phrase de Claude Simon s’enroule sur elle-même, s’étire et emporte avec elle descriptions, réminiscences, parenthèses, dialogues et digressions. Le lecteur suit, dans un voyage halluciné, le cheminement de la pensée du narrateur et le romancier convoque l’universel dans l’intime, la mythologie dans la guerre, tout le tragique de la condition humaine dans le quotidien d’un soldat. " La route des Flandres " n’est pas un roman, c’est une traversée, un fleuve à l’apparence sereine pourtant gonflé de bouillonnements.

Aujourd’hui, lorsqu’un ado me dit qu’il ne sait pas quoi lire, je lui conseille Claude Simon. Invariablement. Parce que Claude Simon, tu lis une page et tu sais que tu as trouvé, que tu peux t’asseoir, que ça y est tu en as pour des heures.

Mais pour moi, Claude Simon, c’est encore plus.

Quand je l’ai découvert j’ai tout lu de lui, absolument tout. Et lorsqu’en quatrième année de fac j’ai dû choisir un sujet pour mon mémoire de maîtrise, très naturellement j’ai proposé Claude Simon. Comme ça, j’étais autorisée pendant un an à ne plus lire que lui, que lui, que lui. Et une obsession a commencé à m’envahir : il fallait que je le voie, en vrai.

Je lui ai écrit chez son éditeur et il a accepté de me recevoir. Un truc de fou, comme disent les jeunes, parce que de ma vie je n’étais même jamais allée à Paris. Avec une gentillesse qui ne cesse encore aujourd’hui de m’étonner, il m’a reçue pendant une heure. Je me revois le dévorant des yeux, bouche bée.

A la fin de mon mémoire de maîtrise il y a donc, soigneusement tapée à la machine, la transcription de cette rencontre improbable, ce curieux rendez- vous d’une fille éberluée et balourde avec l’un des écrivains français les plus importants de tous les temps.

Ma première interview !

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Neuf 8,60
Occasion 2,90
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17 juillet 2013

Sœurs de tempête

Ruth et Dana ne sont ni sœurs, ni cousines, ni amies. Si dissemblables, elles n'ont en commun que d'être nées le même jour, dans l'Etat du New Hampshire, neuf mois après le passage d'une terrible tornade. Pour leurs mères, elles sont des « sœurs d'anniversaire ». Pour elles, qui ne se rencontrent qu'une fois l'an, elles ne sont que des étrangères. Ruth Plank, la « grande perche », habite dans une ferme avec ses quatre soeurs. Délaissée par sa mère, elle passe des heures dans les champs avec son père, mais son cœur ne bat que pour l'art et le dessin. Dana, le garçon manqué, vit entre une mère artiste, un père quasi-absent et un frère étrange. Elle aime l'odeur de la terre et le parfum des fraises. Et toutes deux ne cessent, tout au long de leur vie de se demander à quel monde elles appartiennent. Tour à tour, les voix de Ruth et de Dana portent le récit. On suit leurs pas, de la douceur chaotique de l'enfance jusqu'aux douleurs de l'âge adulte. Chaque chapitre est une infime partie de leur histoire, chaque détail, anecdote ou événement se raccroche à la grande histoire, celle de la guerre au Vietnam et celle de Woodstock. Pendant cinquante ans, leurs destins s’entrelacent, et si l'on devine, dès le début, le terrible secret qui les lie, il n'en altère pas la lecture. Bien au contraire.

Dans ce roman envoûtant, Joyce Maynard fait la part belle aux sentiments humains. Elle sait mettre des mots sur l'amour qui rend fou ou la passion qui déchire. On est charmé par sa prose simple, épurée mais terriblement poétique. L'auteur touche à tout. Comme le ferait un médecin de famille, elle ausculte ses personnages et à travers eux, évoque l'alcool et la drogue, l'homosexualité et le corps, mais explore aussi l'inceste, la maternité, le couple, la maladie, la mort.

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17,00
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16 juillet 2013

Conversation avec un fantôme

**Une BD qui commence par le suicide d’une très belle jeune femme dans sa baignoire ? Pas très folichon me direz-vous ! Pourtant, le lavis parfaitement maîtrisé de Guillaume Sorel et les textes des auteurs cités dans l’album (ndlr : Arthur Rimbaud, Lewis Caroll, Alexandre Pouchkine, Charles Baudelaire et Ono No Komachi) font que le lecteur persévère et suit, avec délectation, le dialogue qui se met en place entre le fantôme (ou l’âme) de la morte et un chat, seul être vivant capable de la voir. Avec eux, il pénètre dans l’immeuble de la disparue et découvre ses locataires : Mathilde, une petite fille volatilisée de manière inexplicable, que ses parents recherchent désespérément ; un couple illégitime qui vit une passion charnelle sous l’œil un brin pervers du mari trompé ; un passionné de littérature qui s’empiffre de victuailles et organise des fêtes avec des personnages tout droit sortis d’ouvrages de sa bibliothèque ; un jeune peintre miséreux pour lequel la défunte éprouve une attirance certaine ; une vieille sorcière qui pue, déteste tout le monde et prépare, dès le matin, un pot-au-feu qui sent le moisi et la vinasse... Un monde, vous l’aurez compris, où l’imaginaire de chacun joue un rôle prépondérant. Un monde fantastique, particulier, érotique et intemporel, à déguster lentement, histoire de profiter de sa saveur jusqu’à la fin.**

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12 juillet 2013

Des mots pour vivre

Le héros de « Nina », s'appelle Adrien. A quarante ans, il a choisi de mourir, comme on coche une croix  sur un emploi du temps. Ce soir, il avalera un cocktail de comprimés, noyés dans un verre de whisky. Ce soir, il sera loin. Loin de ses angoisses et de sa vie dénuée de sens. Mais avant le geste ultime, il décide de régler quelques affaires. Il range son appartement, écrit son testament, attend la fin du jour et le départ de sa gouvernante. Pour mourir seul. Tranquille. On dit qu'avant le trou noir, la vie défile. Pour Adrien, c'est le souvenir de Nina qui renaît. Nina, la belle Italienne qu'il a aimée enfant, lors de vacances d'été sur la côte almafitaine. Devenus presque adultes, ils se sont perdus de vue, mais lui ne l'a jamais oubliée. Il écrit alors tout l'amour qu'il lui porte et qu'il a toujours tu. « Pour l'instant, le désir d'écrire a remplacé celui de mourir ». De soir en soir, il repousse son suicide. Mots après mots, il réveille son grand amour assoupi.

Vous l'aurez deviné. « Nina » nous parle d'amour... mais pas seulement. « Nina », c'est d'abord l'histoire de deux écrivains qui se rapprochent et composent à l'unisson. C'est le souffle du vent d'Italie, la peau dorée au zénith, le rire des enfants, portés par deux plumes : l'une, plus féminine, plus lumineuse peut-être, qui sait décrire la pureté des premières amours et les champs crevés de soleil... Celle de Simonetta Greggio. L'autre, plus grave et plus profonde, qui touche au deuil, au suicide et à la mort... Celle de Frédéric Lenoir. Avec « Nina », le sociologue, philosophe et historien des religions, renoue avec ses thèmes de prédilection : l'abandon et l'espoir, la lutte et la réconciliation. Il s'unit à Simonetta Greggio, auteure italienne connue notamment pour « Dolce Vita », ou « L'homme qui aimait ma femme », et explore avec elle l'amour platonique et non-vécu, qui hante le passionné. Un récit à quatre mains n'est jamais anodin. Ici, c'est un succès. Un trop plein d'amour, où l'on pleure à chaudes larmes, où l'on rit aux éclats. Les deux voix, si distinctes, se complètent parfaitement.

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11 juillet 2013

Plus romanesque qu'un roman

A Genève, Monique Barbey était connue comme le loup blanc. A soixante-neuf ans, elle décidait de fonder une troupe de théâtre amateur: on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même. Douée d'une énergie hors du commun, mais malheureusement piètre conductrice, l'aventure se termina sur une petite route de campagne, en 1994. Après sa mort, ses enfants retrouvèrent des dizaines de carnets car, toute sa vie, elle avait tenu son journal intime. Ils découvrirent ainsi qu'elle avait connu une belle passion avec le général Pierre Koenig, le héros de Bir Hakeim, rencontré à Londres en 1944.

A l'époque, Monique avait 34 ans, était mariée au Hollandais Bierens de Haan, une union vivement encouragée par sa famille alors qu'elle n'éprouvait que des sentiments plutôt tièdes envers cet homme. L'adultère devenait presque inévitable pour un tempérament volcanique comme celui de cette jeune femme. Avec Pierre Koenig, ce fut le coup de foudre. On imagine aisément à quel point vivre une passion avec l'un des personnages les plus en vus de l'époque, marié, et pour le moins occupé, était tâche compliquée. Ils devront se contenter de moments volés, de quelques frôlements dans des taxis, de regards éloquents dans des manifestations publiques... Dans " Il n'y a qu'une façon d'aimer ", Monique Barbey raconte au jour le jour, sans fausse pudeur ce qu'elle vit. Sa liberté de ton et d'action impressionne. La qualité de son écriture aussi. De cette histoire, elle voulait tirer un grand roman. Qu'elle n'écrira jamais, rattrapée peut-être par la vie et ses multiples occupations. Et de toute manière, qu'aurait apporté une fiction à ces extraits de journaux réunis par l'un de ses fils, Barthold Bierens de Haan? On nage déjà dans le plus pur romanesque.

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