www.leslibraires.fr

Temps de livres

http://tempsdelivresdotcom.wordpress.com/

Créée en 2009, cette entreprise propose des interventions et des formations sur la bande dessinée et les littératures de l'imaginaire. Sur le blog, retrouvez notre actualité, ainsi que des chroniques et des rencontres d'auteurs.

Conseillé par
20 septembre 2011

Fascinant et étouffant

Beszel est une ville de l'Europe de l'est. Tyador Borlù y est inspecteur à la Brigade des Crimes Extrèmes. Sa prochaine enquête aurait dû être routinière : une prostituée s'était faite tuée, sauf que plusieurs détails ne concordaient pas. Avec l'aide de l'agent Corwi, ils découvrent que la victime avait plusieurs identités, qu'elle s'intéressait aux groupes nationalistes et qu'elle venait d'Ul Qoma. Ul Qoma, la ville dans la ville. Bien que voisines, Beszel et Ul Qoma sont deux pays différents, aux règles singulières. Notre inspecteur va s'apercevoir que malgré un franchissement de frontière illégale (rupture), on ne lui accorde pas le droit d'en appeler à la Rupture, cette mystérieuse entité aux pouvoirs illimités. Qui veut faire capoter l'affaire ? Pourquoi les indices pointent sur la troisième ville (légendaire) Orsiny ?

Première constatation avant lecture: The city and the city est publié dans la collection Noir et Thriller de Fleuve noir. Le livre a reçu pourtant plusieurs prix dans la catégorie science-fiction. Après lecture, il est évident que la forme est un polar, mais le fond reste imaginaire. De l'imagination, China Mieville en possède. Deux villes entremêlées, mais de nationalité différentes. Langages, habitudes, architectures sont distinctes. Si les besz et les ulqomans se "côtoient", ils s'occultent les uns les autres. Il existe une frontière pour passer légalement du côté ulqoman ( ou besz), et malheur à celui qui franchirait (par mouvement, vue, ouîe...) autrement l'invisible barrière. La Rupture guette...
C'est dans cet univers particulier que se passe l'enquête de Tyador Borlù. Une enquête particulièrement complexe puisqu'elle se passe dans les deux villes. Si l'inspecteur est intègre et respecté à Beszel, il n'est qu'un visiteur/consultant à Ul Qoma. Fausses pistes, jeux de pouvoir et rivalités citadines sont au coeur de l'histoire. L'auteur y déploie un sens aigu de la narration. Dès les premiers mots, China Mieville attrape le lecteur pour ne plus le lâcher. Par le biais du personnage principal, il explique la situation particulière de la ville, petit à petit, prenant son temps, tout en déroulant le fil de l'histoire. Ecrit en trois parties, The city and the city se décline en trois ambiances différentes, comme trois vues de la ville.

Avec brio, China Mieville décrit deux villes entremêlées, mais totalement différentes. Du langage à l'attitude, de la nourriture à l'informatique, tout sera disséqué, mais pas jugé. Le lecteur découvrira Beszel et Ulqoman comme un "touriste" : vierge de toute influence. Un roman policier dans un univers "bizarre". China Mieville s'empare des codes pour bâtir son propre univers. Fascinant !

http://temps-de-livres.over-blog.com/article-the-city-and-the-city-84756308.html

Conseillé par
15 septembre 2011

Entre 70 et 96, le petit monde des super-héros en France (livres, télévision, cinéma)

Strange, un titre magique pour des générations de lecteurs. Sébastien Carletti et Jean-Marc Lainé ont combiné leurs super pouvoirs pour produire ce beau livre dédié aux années 1970-1996. Un album qui va s'intéresser aux parutions Lug (Strange, Spidey, Zembla), Sagéditions (Superman Poche, Batman Poche), Arédit (collection Super Star), mais pas seulement. Nos années Strange c'est un condensé de super-héros, au cinéma, à la télévision, mais aussi en jouet.

Quand on a été lecteur de Strange (commencé au numéro 123, gagné au club de la plage), qu'on a quelques Récits Complets Marvel dans sa bibliothèque, on a du mal à rester critique face à un livre tel que Nos années Strange. Les auteurs ne s'intéressent pas uniquement au magazine Strange, mais à 26 années de publications super-héroïques en France. 26 ans, une génération. Avec un sommaire particulièrement complet, ils parlent des publications et vont au-delà. Les productions Lug sont au premier plan avec le sommaire de chaque magazine (Strange, Spécial Strange, Nova, etc..), l'historique des personnages, l'auto-censure, la production maison. Les concurrents de l'époque ne sont pas oubliés puisqu'on parle des Jeunes Titans, de Kamandi, des crossovers (Superman avec les Maîtres de l'univers...). Certains magazines de l'époque qui mettaient en avant l'imaginaire et les comics-books sont abordés. Mais que serait Nos années Strange sans les produits dérivés ? La télévision et le cinéma parleront aussi bien de Mightor, de Captain America version cinéma (le film de vos vacances !), que des feuilletons comme Manimal ou Superminds. Enfance oblige, les jouets ne sont pas oubliés.
Les auteurs ont fourni un travail de fourmi, d'archiviste. En ne voulant pas s'adresser uniquement au public de Strange, ils ont ajouté des difficultés à la rédaction, qui était déjà titanesque. Les parties et les chapitres restent sur un univers précis, ce qui permet de ne pas s'éparpiller). Tout le livre suit la même chronologie : des années 70 à maintenant. Comme la rédaction s'adresse aussi bien aux connaisseurs qu'aux néophytes, les explications sont concises et complètes. Les auteurs se montrent passionnés mais n'oublient pas l'humour, ni les enfants qu'ils ont été. L'iconographie est phénoménale : couvertures des magazines, illustrations des dessins animés d'époque, photos de jouets... Montrer aux enfants d'aujourd'hui à quoi rêvaient leurs parents, mais aussi se souvenir de ces mannequins, de ces voitures miniatures, de tel numéro marquant...
Un soin particulier a été apporté à la maquette. La police de Strange a été appliquée en titre, ainsi que le logo de Spider-Man. Toutes les pages ont au minimum un détourage, voire un fond qui rappelle l'univers du chapitre concerné. La couverture possède ce fond jaune si caractéristique et la quatrième de couverture remet en mémoire, celles de Strange. Un régal !

Avec Nos années Strange, Jean-Marc Lainé et Sébastien Carletti n'écrivent pas un dictionnaire ou une encyclopédie Strange. Ils montrent le panel éditorial qui s'est développé autour des super-héros, en France. Bien que ludique, ce livre est aussi un document historique : situation éditoriale de l'époque, témoignages d'auteurs, exploitation des franchises... C'est donc un livre remarquable qui intéressera aussi bien les néophytes que les collectionneurs.

La chute

1

Don Quichotte

20,20
Conseillé par
12 septembre 2011

Un voyage magnifique et sombre

Michael Petersen, chercheur en biologie marine, va partir en mission dans l'Antarctique, dont une semaine de traversée maritime. Seul problème, Michael a la phobie de l'océan depuis le naufrage qui a coûté la vie à ses parents. Son entourage est inquiet de cette décision et cherche à le dissuader, mais Michael ressent le besoin d'accomplir ce pas en avant. Masha, initiée à la voie de la Main Gauche, a été envoyée pour contrecarrer l'avenir du savant. Cherchant à en savoir plus, elle est prise pour cible. Adversaires et alliés, ils devront se serrer les coudes pour échapper à leurs adversaires.

Lionel Davoust n'est pas un inconnu pour ceux qui lisent des littératures de l'imaginaire. Traducteur, "père fouettard" du futur Dictionnaire Encyclopédique des Littératures de l'Imaginaire, auteur lui-même, Lionel Davoust commence à être connu. Pourquoi écrire du thriller, alors que son premier roman relevait de la SFFF (Science-Fiction, Fantasy, Fantastique) ? Parce qu'il aime brouiller les pistes et que Léviathan est un thriller ésotérique... nuance. Passant d'un genre à un autre avec une facilité déconcertante, Lionel Davoust n'a pas écrit un roman qui s'installe dans un genre précis. S'il est bien question d'enquêtes, de machination, l'auteur utilise les ressorts dramatiques que l'on retrouve aussi bien dans le policier, dans le fantastique, voire la littérature féminine... Le champ est vaste. Il réussit à maintenir l'intrigue et l'attention du lecteur intactes. Un tour de force où d'autres seraient tombés dans le cliché.
La trame est simple. Un chercheur traumatisé durant l'enfance part en mission malgré son entourage. Victime d'une machination, sans le savoir, il est surveillé par une initiée qui devient trop curieuse. Elle-même devient une cible. Ce qui pourrait se révéler un simple thriller devient fantastique sous la plume de Lionel Davoust. La planète est sous la coupe de la Main Droite. Celle-ci prône l'ordre absolu auquel il faut se soumettre sans condition. Le Comité, lui, prône la voie de la Main Gauche : "guerriers de la connaissance, mages... n'avaient d'autres règles que celles qu'ils se fixaient individuellement". Le Comité, qui surveille Michael Petersen via Masha, permet à ses initiés d'accéder à des pouvoirs. Pouvoirs qui sont à la limite de l'humain. On en dénombrera trois : se focaliser sur un ou plusieurs sens, l'ardence, un feu intérieur et l'accomodat, la suggestion en fonction des évènements.
Ingénieur halieute de formation ( étude des ressources vivantes du milieu aquatique), l'auteur nous met face à la mer. Celle-ci sert de toile de fond au roman. Le personnage principal en a peur. Malgré cela, il devient spécialiste en zoologie marine et part en Antarcticque. Au cours du récit, on apprend que Michael attire certaines espèces. Lionel Davoust nous décrit l'élément aquatique non pas comme une amie, mais comme un élément sauvage. Insondable, dangereux, l'océan reste, sous sa plume, mystérieux et attirant. Les personnages principaux sont aussi mystérieux que l'élément aquatique. Masha, initiée à la main gauche est chargée de surveiller de très près Michael. Pour cela, tel un espion, elle utilise doubles identités, cachettes. Fidèle à sa liberté, elle est prête à sacrifier son devoir si on s'attaque à ce qu'elle a de plus cher. Michael Petersen est un bon scientifique, conciliant devant les évènements et traumatisé suite à un naufrage. L'auteur qui aime brouiller les pistes (je me répète), saura nous dévoiler des facettes insoupçonnées du personnage qui semblait effacé jusque là. Le reste de "la distribution" est éclectique. Au fil des pages, on va suspecter tel ou tel personnage de faire partie de la machination. Lionel maîtrise son suspens et met en place ses pions comme sur un jeu d'échec.

Que retenir de ces lignes ? Ce premier tome de Léviathan (qui en comportera trois) est un voyage enthousiasmant. Voyage dans l'Antarctique, mais aussi voyage personnel pour les deux personnages principaux. Il y est question d'ésotérisme sans qu'on ait besoin d'adhérer ou de croire à ces mouvements. Formidable conteur, Lionel Davoust nous emmène dans un univers riche et varié. Ses ambiances sont subtilement préparées et vous tiendront en haleine jusqu'à la fin.

http://temps-de-livres.over-blog.com/article-leviathan-t1-la-chute-84047703.html

Conseillé par
7 septembre 2011

Fantastique, Fun et Sang

Rockwood est une petite ville du Texas. On peut dire un bled paumé. Mais depuis quelque temps, des évènements bizarres surviennent dans la communauté. La lune disparaissait, des zombies sortaient de leurs tombes, une femme se transformait en piranha-rat-araignée tous les quatre mois. Si toute la ville est touchée, le centre d'attraction semble être le restaurant Gil's. Mais les derniers clients vont bousculer les habitudes. Earl, vampire de son état, et Duke, le loup-garou, ont bien envie de finir la tarte aux pommes tranquillement. S'ils doivent éclater quelques cranes et installer une nouvelle conduite de gaz, pourquoi pas ?

Quatrième titre de la collection Territoires, Le Bar de l'enfer est une mine d'humour débridé et de fantastique qui tâche. Jugez plutôt : un vampire presque dégarni est adepte de dianétique tandis que son meilleur ami est un loup-garou bedonnant d'1, 95 mètres. Pour demander conseil à un esprit, il faudra marchander sur la rediffusion de Bonanza et de Drôles de dames. Quant aux goules, elles font des concours de hurlement. Ce n'est que l'apéritif (sanglant) que nous propose A. Lee Martinez.
Un auteur qui dédicace son livre à Don "the dragon" Wilson est quelqu'un qui revendique l'efficacité. C'est ça Le Bar de l'enfer : une trame sympathique où il est question de fin du monde. Est-ce parce que ça se passe au Texas, ou que les personnages sont tous des "loosers", mais rien ne fonctionne comme prévu. Earl et Duke, nos sympathiques héros, n'arrêtent pas de se chamailler. Earl est un vampire filiforme, loin de l'imagerie romantique. Malgré son apparence, il arrive à séduire n'importe quelle femme. Mais est-ce son pouvoir vampirique ou lui ? Quant à Duke, il promène son immense carcasse tranquillement. S'il peut rendre service, il le fait. Tant qu'il ne déchire pas trop souvent ses vêtements.

La collection Territoires permet de faire un pont entre les collections jeunesses et adultes. Avec Le Bar de l'enfer, la porte s'ouvre à la série B, sympathique et efficace. A. Lee Martinez cherche à faire passer un bon moment au lecteur. Pari gagné avec ce livre où deux anti-héros se retrouvent dans des situations burlesques.

http://temps-de-livres.over-blog.com/article-le-bar-de-l-enfer-83600640.html

Conseillé par
5 juin 2010

Le dechronologue

Deuxieme moitié du XVIIeme siecle. Dans les mers caraïbes, Henri Villon fait la course. Il combat les navires venus d’un autre temps, passé ou futur. Son vaisseau est armé de canons qui tirent des minutes, des secondes. Si ces courses sont intéressantes, ces trous du temps ramenent une manne miraculeuse : Les « maravillosas ». Celles-ci éclairent, diffusent de la musique, ou diffusent de l’énergie à profusion.

Le capitaine Villon en fait commerce. Mais il veut s’en approprier l’origine, et ainsi avoir la main mise sur la fabrication de ses merveilles. Mais si le temps se détraque, il y a un autre danger qui rôde… un vaisseau invincible qui ne permet pas la riposte. Seuls les Noj Tepen semblent savoir d’où viennent les maravillosas, et ce que sont les tempêtes temporelles.


Un livre avec des chapitres qui ne se suivent pas. On pourrait penser à un jeu éditorial. Non. L’histoire de ce capitaine est racontée à travers divers épisodes de sa vie. François Beauverger réussit à ne pas nous perdre. Le résultat est cohérent. Ce livre mérite les honneurs pour son originalité. Abordé comme un roman maritime, avec des parties historiques, François Beauverger, glisse peu à peu vers la science-fiction. Il brosse des portraits authentiques. Henri Villon, Fefe de Dieppe et son patois, Molina le commerçant, ou encore Severe, dont on ne sait pas grand chose. A la lecture, on voyage sur les mers lointaines, on aborde les flibustiers, les intrigues, les guerres temporelles, des anachronismes si bien restitués qu’ils font partis du décor.

En résumé, un livre porté par le souffle de l’océan, écrit sous une plume dynamique, dont la presentation est parfaitement maîtrisée.