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Grégoire C.

http://www.librairie-obliques.fr/

A la tête de la belle librairie Obliques depuis 2011.

Conseillé par (Librairie Obliques)
1 septembre 2018

A fleur de peau

La grande réussite de ce roman, c'est d'être allé jusqu'au bout de son idée. Ressentir la douleur, permanente, insupportable, vivre avec, vivre malgré tout. Sans faire d'impasse, Joy Sorman porte le lecteur aux confins de ce qu'il est possible de mesurer avec des mots, dans ces zones de la littérature qui peuvent devenir physiques, là où l'empathie vous fait grimacer. Alors c'est vous qui partagez le chemin de croix médical et plus ou moins scientifique de Ninon, vous qui espérez que le bon diagnostic tombe ou que la bonne formule magique soit prononcée. Pour vous libérer, autant qu'elle, de la douleur bien sûr mais surtout de la malédiction. Rompre avec la tradition, refuser la fatalité : à sa manière, recluse dans sa chambre capitonnée, Ninon est une héroïne rebelle, en opposition avec toutes les femmes qui l'ont précédée et dont sa mère lui a raconté l'histoire pathétique. Toi aussi, tu souffriras sans raison, semblait-elle dire. En s'élevant contre sa calamiteuse généalogie, Ninon se dresse face au destin. Terriblement intime, ce roman est aussi le récit d'une tragédie plus ample, millénaire, celle qui raconte la force qu'il faut à un enfant pour s'écarter de la voie qu'on a tracé pour lui.

Neuf 24,50
Occasion 10,00
Conseillé par (Librairie Obliques)
1 septembre 2018

Souvenirs, souvenirs

Intrigue familiale, suspens psychologique et tueur en série : un cocktail bien corsé pour un roman où la mémoire joue le premier rôle.
Autour d'une scène traumatique originelle, le massacre des parents, Dan Chaon construit un roman de la relativité. Voit-on tous la même chose ? Et même si nous voyons la même chose, sommes-nous capables de nous en souvenir de la même manière ?
Jonglant avec les points de vue, l'auteur nous balade dans un tourbillon passionnant où rien n'est jamais certain, sauf peut-être la science, celle qui innocente Rusty, accusé à tort de la tuerie et qui sort de prison au début du roman, trente ans après y être entré.
Inventif, noir, addictif, c'est un roman policier sans policier, une enquête aux confins de l'intellect humain, là où sommeille le pire des assassins : l'oubli.

Neuf 11,70
Occasion 5,00
Conseillé par (Librairie Obliques)
28 août 2018

Si vous décidez de lire ce livre, rendez-vous page 2

Quel souffle ! Quel humour ! Quelle ambition !
D'abord, quand on ouvre ce livre, on est en terrain connu, capté dès le prologue par un univers familier. Oui, c'est un grand roman américain comme on les aime, avec tous les passages obligés du genre : le prof de fac déprimé, les affres de la création, le feuilleton politico-médiatique.

Et pourtant, il y a ce petit quelque chose en plus, cette voix qui sonne différemment, cette singularité qui fait que le livre ne ressemble à aucun autre. Et dieu sait qu'on en a vus passer ! Alors on avance dans ce pavé de 700 pages qui tournent toutes seules et on plonge un peu plus dans le cœur de ce projet littéraire pour comprendre que le vrai sujet de ce livre, ça n'est pas l'Amérique, pas une énième intrigue familiale qui se réglera à grand coup de révélations tonitruantes. Ce dont nous parle Nathan Hill, c'est quelque chose de plus vaste, de plus existentiel, c'est la vie, énormément et tout simplement : celle qu'on rêve, celle qu'on se construit, celle à laquelle on renonce. Comme dans les "livres dont vous êtes le héros" que Samuel, le protagoniste de cette histoire, lisait quand il était enfant, chacun des personnages de cette somme romanesque est une facette, une réponse différente à la même question, universelle, terrifiante et fascinante à la fois : ai-je fait le bon choix ?
Mais quand on a dit ça, on n'a pas dit le voyage échevelé dans lequel le livre nous embarque, du Chicago universitaire et contestataire de 1968 jusqu'au populisme médiatique d'un candidat républicain à la présidence en 2011, en passant par un chapitre splendide, presque un roman à lui tout seul, qui dépeint l'enfance de Samuel et son amitié avec un gamin solaire et anarchiste. On n'a pas non plus parlé de la très pertinente réflexion sur la puissance médiatique qui traverse tout le livre ni du poids qui pèse sur les épaules des jeunes filles des années 60 à nos jours. Fantômes norvégiens, éditeurs verreux, flics pervers et histoire d'amour passionnelle parachève ce très impressionnant premier roman d'une richesse folle, écrit avec une fluidité qui vous emporte littéralement. La seule question qu'on se pose maintenant, c'est "à quand le prochain ?"

Thomas Bernhard à San Salvador

Anne-Marie Métailié

7,00
Conseillé par (Librairie Obliques)
27 août 2018

Règlement de compte

Dans un bar de San Salvador, Edgardo vide son sac et dit tout le mal qu'il pense de ce pays qu'il a quitté. Médecins, profs, politiciens, ... tout le monde en prend pour son grade dans ce monologue rageur et cocasse qui se lit d'une traite, comme une bonne rasade de whisky.

Anne-Marie Métailié

Neuf 22,00
Occasion 3,99
Conseillé par (Librairie Obliques)
24 août 2018

Paranoïa chronique

Deux rescapés de la guerre civile salvadorienne atterrissent aux Etats-Unis pour y refaire leur vie. Attention, choc thermique !
Castellanos Moya excelle dans l'art de scruter les hommes que l'Histoire a marqués au fer rouge. Après "La servante et le catcheur" et surtout "Le rêve du retour", l'auteur explore un peu plus dans ce roman la cicatrisation de blessures impossibles à refermer avec un humour ravageur et une vraie humanité.

Divisé en deux parties aux tons très différents, "Moronga" s'amuse de la société américaine pour son puritanisme maladif et souvent plus malsain que le mal, à tel point que pour un immigré, la paranoïa peut vite s'installer. Qui sait si le fait de reluquer les cuisses d'une étudiante ne sera pas capté par une caméra de vidéosurveillance et vous jettera en prison pour des années, voire pire, dans un avion pour le Salvador ?
De l'autre côté de la caméra, un autre immigré, blessé par la même guerre, s'ennuie. Comment reprendre une vie normale quand on a tenu des armes et essuyé des tirs ? Et comment le faire dans une ville américaine, proprette et aseptisée ?
Vraiment, si vous ne connaissez pas encore cet auteur, foncez sur une perle de la littérature sud-Américaine qui en cache beaucoup d'autres car vous le verrez, toutes les oeuvres de Castellanos Moya sont reliées pour désormais brosser la fresque ample et virtuose de la famille Aragón, et plus largement, de la violence qui a ravagé son pays pendant tant d'années.