www.leslibraires.fr

Alexandrine

http://www.sgdl-auteurs.org/alexandrine-civard-racinais

Je fus, et reste une grande lectrice, avant même de me consacrer à l'écriture sous des formes variées (journalisme et édition).

Dans ma maison, en Aquitaine, les livres sont partout… Ils font partie non pas des meubles mais des amis qui la peuplent.

Si j'étais un livre, je serai "Le tour du malheur" de Joseph Kessel, "Cent ans de solitude" du grand Gabriel Garcia Marquez ou encore "Water Music" de T. C. Boyle…

Conseillé par
7 janvier 2013

L'un des meilleurs ouvrages de 2012

"Un bon livre, Marcus, est un livre que l'on regrette d'avoir terminé" (p. 646). Cette réponse est la dernière d'une série de commentaires et de conseils que le brillant Harry Quebert prodigua à son jeune disciple Marcus Goldman. C'était avant…

Avant que Marcus Goldman ne devienne à son tour un écrivain à succès, avant qu'Harry Quebert ne se retrouve roulé dans la fange, accusé d'un meurtre commis trente ans plus tôt sur la jeune Nola Kellergan, 15 ans.

Le grand écrivain encensé hier encore par l'Amérique des Lettres, n'était-il donc qu'un pédophile refoulé ? D'aucuns le croient mais Marcus Goldman est bien décidé à réhabiliter son ami. L'enquête destinée à faire toute la vérité sur l'Affaire Harry Quebert servira également de trame à l'élaboration d'un second roman dont il peine à accoucher, au grand dam de son éditeur New-Yorkais l'infect Roy Barnaski. Et c'est bien cette articulation entre la geste littéraire, les affres de l'écriture et l'enquête à proprement parler qui donne tout son sel à l'ouvrage. Si l'on est parfois déçu par le style, que l'on imaginait plus flamboyant à l'aune des prix décernés, la construction est remarquable, l'attention du lecteur toujours soutenue.

L'auteur nous berne à longueur de pages, nous incitant à nous forger une opinion sur la foi d'éléments partiaux et partiels. Alors que l'on croit — un tantinet déçu car il reste encore plus de 200 pages — avoir trouvé le coupable, l'intrigue rebondit. Les points de vues s'enrichissent, se croisent et finissent par converger vers un coupable longtemps resté hors champ. Le livre refermé, on s'empresse d'en relire l'épilogue pour faire durer encore un tout petit peu le plaisir. Et les conseils du vieux maître prennent alors tout leur sens : "Environ une demi-seconde après avoir terminé votre livre, après avoir lu le dernier mot, le lecteur doit se sentir envahi d'un sentiment puissant ; pendant un instant il ne doit plus penser qu'à tout ce qu'il vient de lire, regarder encore la couverture et sourire avec une pointe de tristesse parce que tous les personnages vont lui manquer". La Vérité sur l'affaire Harry Quebert est de ceux-là et c'est un sacré bon livre. Merci monsieur Dicker, chapeau bas…

Neuf 20,00
Occasion 3,19
Conseillé par
3 janvier 2013

L'horreur en héritage

Comment peut-on construire un avenir sur les ruines encore fumantes d'une guerre perpétrée par la génération précédente ? Telle est la question qui hante Marc, écrivain Français fasciné par le destin des enfants de criminels de guerre. Sans relâche, il interroge, compare, compulse, relie les destins de ces innocents aux mains pourtant pleines.

De Belgrade à Pale, minuscule capitale serbe de Bosnie, Marc se confronte aux ombres du passé et aux fantômes de sa propre histoire. Car L'hiver des hommes est aussi celui de son couple, parti à la dérive. Alors Marc s'accroche coûte que coûte à ces vies brisées, à ces âmes blessés, même lorsque Boris son fidèle traducteur déclare forfait. Reconstituant pas à pas, les dernières heures d'Ana — enfant chérie de Ratko Mladic, commandant en chef des forces serbes de Bosnie à qui le massacre du marché de Markale fut attribué. La douce, la jolie Ana, incapable de reconnaître son père dans le bourreau décrit par les médias internationaux et qui se suicida avec l'arme de celui-ci.

La plupart de ceux qui sont encore en vie se consument toujours de haine pour l'autre, le musulman, le bosniaque, le frère, le voisin devenu l'ennemi irréductible. "Ici, les gens ont cru qu'ils pourraient échapper à leur histoire, ils se sont aimés, ils ont eu des enfants, mais soudain ils se sont souvenus qu'ils avaient des raisons de se craindre, de trembler à la vue l'un de l'autre. Ils ont été troublés puis emportés petit à petit par la mémoire de ce qu'ils se sont faits, autrefois (...) et bientôt ils se sont découverts ivres de haine et de peur, et alors ils n'ont plus vu d'autres issues que de recommencer à se jeter les uns contre les autres" (p. 189). Ce qui s'est passé hier, peut recommencer demain. La fin de la guerre ne signifie pas la fin de la haine. Le constat de Marc comme l'écriture de Lionel Duroy est limpide et implacable, froid comme l'hiver bosniaque, l'hiver des hommes, le gel des sentiments.

Neuf 16,90
Occasion 3,19
Conseillé par
25 octobre 2012

génération (é)perdue

Tordons tout d'abord le cou aux critiques qui disent pis que pendre du nouveau Zeller. Trop ceci, trop cela, pas assez ceci, pas assez cela. Des jaloux, voilà tout… Des vieux sans doute, sourds aux cris des trentenaires dont l'auteur de "La Jouissance" se veut l'ambassadeur. Jeune Quadra, j'y ai pour ma part entendu l'écho des miens et le fracas de mes questionnements.

Car la question centrale posée par ce court roman est d'importance. "Je me demande si le fait d'avoir des enfants n'implique pas la destruction immédiate du couple" (p. 131). Cette question glissée à l'oreille de Nicolas par son copain Pierre est comme un ver introduit dans le fruit. Elle va le miner pendant les derniers mois de sa relation avec Pauline, rendant la fin quasi-inéluctable.

"Sommes nous devenus trop égoïstes pour supporter tout ce que cela implique ? Avons nous complètement perdus le sens du sacrifice ? Sommes nous désormais écrasés par la tyrannie de la jouissance ?" (p. 131), se demande à son tour Nicolas.

Nicolas se pose moultes questions, qu'il laisse tourner en boucle dans sa tête, Nicolas doute, Nicolas à peur, Nicolas cherche le réconfort dans d'autres bras et se met dans de beaux draps. Alors oui, c'est vrai, Nicolas et Pauline n'ont pas beaucoup d'étoffe, les personnages ne sont pas aussi fouillés qu'ils pourraient être, mais quelle belle langue habilement maniée, quelles audacieuses digressions. Si le parallèle entre le couple franco-allemand et le couple formé par Nicolas et Pauline n'est pas toujours pertinent, l'évocation de certaines pages de Michel Leiris ou l'enthousiasme d'un Jean-Paul Sartre se proposant de réinventer le couple font mouche. C'est malin, souvent drôle, parfois léger et toujours surprenant.

La lecture de La Jouissance procure cette impression de première fois, à la fois légère et teintée de gravité. Si singulière pour l'individu et en même temps tellement anecdotique à l'échelle de l'espèce. Nicolas et Pauline "ont le visage de leur époque, et ils sont seuls" (p. 159), face à cette tyrannie de la jouissance à laquelle les papillons trentenaires se brûlent les ailes et succombent parfois.

Éditions Gallmeister

Neuf 22,90
Occasion 3,19
Conseillé par
24 septembre 2012

Cinq ciels, trois âmes en peine - lundi 24 septembre 2012 à 22h22

« Il y a cinq ciels, Harry.
- Cinq ciels...
- Chaque jour, il y a cinq ciels. » (p.250-251)

Il y a cinq ciels et trois hommes, réunis par le hasard sur un chantier suspendu entre ciel et terre. Trois hommes taiseux et durs à la tâche, courbant l'échine sous le poids des souvenirs. Il y a Arthur Key, doux colosse qui fuit un amour maudit ; le jeune Ronnie Panelli, minable voleur à l'étalage en extase devant les lapins qui colonisent leur campement et leur recruteur : Darwin Gallegos, en colère contre Dieu et l'homme qui lui a accidentellement enlevé son épouse chérie. Entre ces trois hommes des liens se tissent peu à peu et les mots se fraient un chemin. Et puis, il y a ce plateau rocheux en surplomb d'une gorge ou scintille une rivière en contrebas. Ce plateau gris, envahi de buissons de sauges dont l'auteur arrive presque à nous restituer l'entêtante fragrance.

Car tout le talent de l'Américain Ron Carlson, dont les romans appartiennent au registre du Nature Writing — réside dans une prose poétique qui fait de chaque lever du soleil dans l'Idaho le premier matin du monde. Les couleurs éclatent, la rosé scintille, les muscles endoloris se réchauffent. La vie reprend sur le chantier, les gestes s'enchaînent, la parole se libère et le dénouement n'est pas loin.

Ceux que les descriptions de paysages grandioses exaspèrent ou que les infimes manifestations de l'amitié virile horripilent passeront leur chemins. Les autres garderont longtemps gravée sur leur rétine l'implacable progression du soleil et l'inclinaison de l'ombre sur la sauge sillonnée de sentes de lapins. Un grand bol d'air et un formidable roman.

Conseillé par
28 août 2012

Un nouvel épisode jazzy du privé norvégien Varg Veum Jeudi 23 août 2012 – 23h

J’escomptai que ce polar norvégien romprait ma torpeur estivale. Las, j’en fus pour mes… frais. Le rythme du récit, bien que non dépourvu d’attraits, traîne la patte. Un peu comme Varg Veum. Le privé norvégien a bien du mal à refaire surface après l’accident de circulation dont il a été victime. Accident ou plutôt tentative d’assassinat. Car Veum — dont c’est la dixième enquête sous la plume de Gunnar Staalesen — a l’art de s’attirer des emmerdements, l’art aussi de faire remonter à la surface de sombres histoires que les protagonistes pensaient enfouies à tout jamais. Nous sommes dans la Norvège des années 90, entre fjords et montagnes, modernité — Veum vient de s’acheter un téléphone portable — et techniques d’enquête héritées du passé.

Le passé qui s’entête et resurgit à chaque étape. L’ombre de deux amants décédés en 1957 plane sur une étrange affaire de disparition, d’étranges recoupements se font jour et Veum se retrouve au cœur d’un drame familial sur fond d’adultère. En parallèle, une sordide affaire de trafics de déchets sensibles entre l’Afrique et la Norvège nous ramène au présent. L’enquête est plutôt bien menée, le dénouement assez inattendu, mais l’ensemble demeure assez plat, comme la vie de Varg Veum dont on sait finalement peu de choses, en dehors de son amour pour le jazz et les crooners des années 40 dont les noms et les musiques auxquels ils sont associés rythment les pages. On aurait aimé que l’auteur se lâche un peu et se lance dans un bœuf endiablé. Le onzième opus des aventures du privé norvégien lui en donnera peut-être l’occasion.