Le narrateur ou l’auteur – ici la frontière est très mince - visite pour la première fois de sa vie et à un âge déjà avancé, l’Orangerie pour découvrir de ses propres yeux Les nymphéas, chef d’œuvre parmi les chefs d’œuvres de la peinture universelle, point d’orgue à la création d’un des plus grands peintres. N’en jetez plus !... Mais patatras ! Point d’extase ni de révélation ici… C’est plutôt un profond malaise qui le saisit à la vue de ces déclinaisons de bleu, de vert, de violet à toutes les heures du jour et toutes les saisons. De cette nausée sacrilège et iconoclaste naît le désir de comprendre ce sentiment si peu partagé. Le béotien est détective, ça tombe bien. Et le voilà qui enquête et nous révèle, par brides entrecoupées de considérations personnelles, la genèse et les tréfonds de la création de l’œuvre et de la vie tourmentée de Monet au crépuscule de sa vie. On découvre alors que le bougre n’est pas si insensible. Un roman, un récit, pourrait-on dire, écrit sur le ton de la conversation à la fois érudit et badin.
Au début des années 70, un premier rapport du MIT alerte sur les effets du développement industriel et de la surconsommation des énergies : il démontre qu’à moyen terme un effondrement des ressources est inéluctable. Ce rapport impressionna mais fut vite mis sous le boisseau ; la marche du monde ne devait pas être perturbée. Sous la plume d’Abel Quentin « le rapport Meadows » devient le « rapport 21 ». Au centre de cette passionnante épopée scientifique, quatre chercheurs partagent une découverte qui bouleverse leur existence : cette quête de vérité qui les réunit les éloignera, chacun portant cet héritage comme un fardeau ou un combat. Dans une narration rythmée et au ton vif, Abel Quentin exhume ce rapport vital et réanime l’esprit de cette aventure de la science et de la conscience.
En Autriche, aujourd'hui, Jakob est agriculteur : il porte sur ses épaules le travail, voire le labeur de chaque jour. L'héritage des terres à faire vivre est un horizon presque indépassable qui fige son âme, mais l'attache aussi indéfectiblement à sa famille. Un jour pourtant, une jeune artiste frappe à sa porte, c'est l'effraction dans sa vie monotone d'un possible bonheur... Mais l'existence se traverse comme un combat, et malgré une réussite que chacun lui envie, la mélancolie revient.
Reinhard Kaiser-Mühlecker nous donne un roman à la fois contemporain et ancré. Nous entraîne sur une terre et à cheminer avec les hommes qui l'habitent. Il illustre un combat universel dans un univers méconnu, le monde agricole, un monde qu'il rend romanesque et profond. Des pages écrites dans une prose précise et une construction de récit implacable.
Un émerveillement
Le vent léger qui souffle dans ce texte est celui qui entraîne le narrateur, ses frères, sa sœur et le père vers la mort de la mère mais aussi vers l’irrésistible appel à la vie. Chaque chapitre de ce court roman est un épisode qui surmonte le chagrin par une rencontre, un jeu de l’enfance, une discussion entre la fratrie ou avec le père ou la mère, un souvenir partagé. On les lit comme autant d’aphorismes, embarqué par la logique si particulière de la prose de Jean-François Beauchemin, qui fait éclater les sensations, la joie, la nature… la vie belle, la vie simple, un art à chacune de ces pages. Un émerveillement.
A Vilnius dans les années trente, Abba Kovner rêve de devenir peintre, la guerre et la persécution des Juifs lui imposent un tout autre destin. C’est cette vie épique ainsi que celles de ses camardes, hommes et femmes qui nous sont retracées dans ce roman historique impressionnant de détails, restituant l’incroyable force de vie de ses partisans. On est au cœur des forêts lituaniennes où l’ennemi mortel n’est pas que le nazi mais aussi le résistant nationaliste dont l’antisémitisme n’a rien à envier à celui des Allemands. On s’octroie un répit avec des figures alliées comme celle de Sœur Bertranda, qui au péril de sa propre existence protège la vie des fugitifs. On est plongé dans les débats furieux de la révolte des ghettos de Varsovie et de Vilnius et enfin dans le projet fou de vengeance du groupe Nakam, visant à empoisonner les prisonniers responsables du génocide. Emil Marat restitue avec panache l’aventure acharnée d’un groupe de combattants juifs par une écriture ciselée et parfois sinueuse comme le fut le quotidien hasardeux de ses héros.