Une des dernières parutions des éditions Corti impressionne : le livre est dense, sa couverture argentée intrigue, c’est une anthologie de courriers des lecteurs du journal italien à grand tirage Vie Nuovo.

Le lecteur devra aborder le livre sous l’angle de l’expérimentation épistolaire dessinant une sorte de paysage réaliste de l’Italie entre 1960 et 1965.

Des bibliothécaires, des ouvriers, des mères de familles, des jeunes communistes, des catholiques adressent des lettes à Pasolini à propos d’un dilemme moral, du fascisme, de Brigitte Bardot, de la politique, du cinéma d’Antonioni, du chômage, etc. Et Pasolini, dans ses réponses, aborde la censure, ses choix artistiques, la sexualité, les aspects qui façonnent son œuvre et sa pensée.

L’ouvrage est donc à la fois collectif et personnel, tel journal de bord fait d’énonciations kaléidoscopiques. Un jeu de questions et de réponses créer le volume d’une œuvre en train de se faire dont intelligence, parcellaire au départ, est mise en commun.

Finalement Dialogue en public sabote la forme du roman pachydermique pour élaborer un dispositif littéraire qui court-circuite le système de la parole autorisée vers le montage d’une pensée politique vivante, intempestive et dignement tissée par le quotidien et son infra-écriture.

Julien

Marie Cabadi est doctorante en histoire à l’université d’Angers, elle s’intéresse à l’histoire contemporaine des mobilisations LGBT et féministes en Europe occidentale.

L’histoire du collectif Lesbians and Gays Support the Miners, redécouverte par le grand public à la sortie du film Pride (2014), explore une facette de l’histoire britannique récente : les grèves ouvrières qui secouèrent le Royaume-Uni entre 1984 et 1985.

Ce livre examine les liens forts de solidarité entre communautés minières en grève et militant.e.s gays et lesbiens en interrogeant les rapports de genre et les sociabilités dans les jeux de rencontres.

Marie Cabadi montre que les convergences en questions furent loin d’être improbables, elles s’inscrivaient en réalité dans une longue temporalité de points communs entre plusieurs populations réprimées par l’État.

Un ouvrage de sociologie des marges où l’on découvre que les alliances politique les plus novatrices sont là où l’on ne les attend pas.

Julien

Comment repenser notre façon d’être au monde ? Voici la question qui irrigue l’ensemble du livre ; car nous vivons bousculés par les crises qui affectent la planète et, par ramifications, le territoire de vie que nous souhaiterions habiter.

A l’ère de la dépossession généralisée en Occident, c’est-à-dire une incapacité à avoir prise sur le quotidien, les auteurs-écologues nous invitent à découvrir une autre politique des corps en lien avec la Terre. Une politique qui unirait vivants et non-vivants, humains et non-humains comme alliances politiques encore praticables.

Le projet est, certes, radical mais passionnant puisqu’il appelle avec exigence à une déprise, une rupture : « un basculement politique et existentiel » lit-on. Cette proposition n’en est pas moins tangible : tout le livre est imprégné d’une réflexion constante envers des expériences naturalistes et animistes à travers le monde ayant permis aux autochtones de conserver les coutumes et leurs savoirs ancestraux.

Ainsi, on voyage des berges de la rivière Whanganui où les populations riveraines ont lutté pour un accès fleuve menacé par des privatisations de toutes sortes. On découvre aussi l’école des tritons sur la ZAD de Notre-dame-des-Landes où l’on apprend le sens de la préservation de toutes formes de vie, jusqu’au syndicat de la Montagne limousine où divers groupes tentent de protéger la montage depuis la montagne, sans séparation, dans l’effort d’une continuité entre logique entre corps et Terre.

Une belle approche salvatrice et puissante à l’heure d’une vie plus que jamais administrée à l’économie.

Julien

Le nouvel album de Max Ducos est un véritable bonheur qui réchauffe en ce printemps frais ou pluvieux.

De page en page on observe une plage, marée haute, marée basse.
Les châteaux de sable, la pêche au crabe, les ados qui se retrouvent pour jouer de la guitare, les courses de bateau, le soleil qui réchauffe et parfois les nuages qui menacent, une ondée, on court, on se couvre, mais les rayons dardent à nouveau, et la vie reprend.
Le lecteur, comme un observateur en haut d'une dune ou d'une falaise, surplombe cette plage et observe tout ce petit monde qui s'agite.

D'une grande poésie, cet album magnifique est une réussite. Une invitation dépaysante qui fait déjà rêver aux vacances !

Aurélie

"La rousse, l'étrangère aux yeux de miel comme ceux d'un loup, à la peau saupoudrée de taches de rousseur comme un serpent venimeux"
Anna Thalberg, jeune paysanne d'Eisingen, est arrachée de sa masure, seule, affolée, elle est conduite à la prison de Wurtzbourg au grand jour.
Klauz découvre son foyer saccagé, dépossédé. Il apprend que sa femme Anna est accusée de sorcellerie, que sa voisine Gerda et à l'origine de son arrestation.
Elle l'accuse d'être Coupable de la mort d'un nourrisson, Coupable de la sécheresse qui frappe le village, Coupable d'être désirable et d'ensorceler les hommes mariés, Coupable d'être une étrangère sur ces terres, Coupable d'être une femme.
Le texte se resserre autour du lecteur, ces trois semaines de tourments s'écoulent difficilement, le sort d'Anna semble arrêté, le fanatisme à gagné.
Impressionnant premier roman d'Eduardo Sangarcia, qui arrive à imposer une forme singulière ainsi qu'une longue solide, brûlante qui rend la lecture retentissante.

Lucile M