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Marie-Paul K.

Mon premier contact avec Dialogues me mit en présence d’un trio charmant : Marie-Paul, Charles et Géraldine ; vite, je leur dédiai mon premier, mon seul livre sur l’Amour. Depuis, je m’attachai à leur amitié, d’autant qu’ancien marin, j’avais habité Brest et considéré la Bretagne comme ma seconde patrie. J’y revenais jadis par souvenir ; grâce à eux, j’y reviens par fraternité.
Une année, à l’entrée de l’automne, j’entendis Marie-Paul me dire : « Vivant et travaillant tous les jours, à zéro mètre au-dessus du niveau des plus hautes mers, j’ai cru de mon devoir et de mon envie de m’élever un peu. » D’un seul coup, Marie-Paul venait de vaincre le Kilimandjaro : cinq mille neuf cent soixante-trois mètres. Elle en revenait, je n’en revenais pas.
Tout le caractère de l’amie dont nous pleurons la disparition se mesure, au mètre près, par et dans cette aventure. Silencieuse souvent, modeste et discrète toujours, souriante doucement, comme à la dérobée, on aurait cru, de loin, que, petite mouette, elle volait horizontalement. En fait, elle était verticale.
Volontaire comme une vraie bretonne, puissante au travail, courageuse, efficace, digne et têtue comme une vraie bretonne, mais bonne comme du bon pain, bonne à sa famille et aux autres, bonne comme une vraie bretonne, je ne cessais jamais, devant elle, dans ma tête, de me répéter sa bonté. Elle la répandait autour d’elle, chacun la recevait d’elle. Nous en sommes encore aujourd’hui imprégnés ; nous le resterons longtemps, en pieuse mémoire d’elle. Tentons d’imiter, en souvenir, la verticale rareté de sa bonté.
Riveraine d’océan, Marie-Paul y était rare comme la plus haute des montagnes.

Michel Serres, Noël 2007

Marie-Paul
Qu'est-ce qu'un bon libraire ? Voilà une question qui semble appeler des réponses bêtes comme chou. Un bon libraire, voyons, c'est un libraire aimable, portant des lunettes, quelqu'un qui vous recommande le dernier Goncourt, le dernier Fémina, le dernier Renaudot, bref, le dernier gros lot.
Eh bien non. Un bon libraire, c'est plus compliqué que ça. D'abord, c'est rare, un bon libraire, c'est en péril. Sans la loi Lang qui interdit de vendre des livres comme des savonnettes, avec rabais, promos et têtes de gondoles, il serait advenu des marchands d'écrits ce qu'il est advenu des disquaires : le nettoyage au napalm, la raréfaction de l'offre jusqu'au Top 50 des médiocrités éphémères, le triomphe du commerce de gros.
Ensuite, un bon libraire, c'est quelqu'un qui lit. La chose ne va pas de soi. Il y a tant à gérer, il y a tant de papiers à remplir, de retours à expédier, de cartons à faire et à défaire. Il y a la tentation d'afficher le hit-parade des meilleures ventes, et de compléter le lot avec les valeurs sûres. Rika Zaraï et ses bains de siège, Maupassant pour le supplément d'âme. Et de déplorer, à l'appui, qu'on publie trop de livres. Comme si l'on avait, par le passé, publié que des bons livres. Comme s'il était souhaitable d'instaurer des quotas. Enfin, un bon libraire, c'est quelqu'un qui ne se prend pas pour un critique - chacun son job. Quelqu'un qui a le souci de donner à lire tout ce qui est à lire plutôt que de prescrire ce qu'il faut lire si l'on est dans le coup, si l'on a bon goût, si l'on veut rester branché, si l'on a de la culture et de la conversation, si l'on souhaite tenir la dragée haute à son entourage. Quelqu'un qui a du goût, qui a ses goûts, mais dont le souci premier est d'afficher ce qui paraît, du thriller au cours de linguistique, du roman de gare au recueil de quatrains, des recettes de cuisine aux photographies de hockey sur glace. Quelqu'un de passionné mais qui ne prétend pas détenir le monopole des passions.
J'ai connu une bonne libraire, une sorte de modèle accompli. Elle s'appelait Marie-Paul Kermarec et a fondé, avec son frère Charles, la librairie Dialogues à Brest. Elle vient d'être emportée par une de ces “longues maladies” qui sont parfois très courtes. Les écrivains l'intimidaient. Elle avait le triple talent de servir, de juger et d'admirer. Je la salue avec la douleur de l'ami et la gratitude de l'auteur.

Hervé Hamon

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Conseillé par (Librairie Dialogues)
9 mai 2007

Après "Eloge de la palourde" (malheureusement épuisé chez Flammarion), Marc Le Gros nous livre un "court traité" de la pêche à marée basse. Palémon, crevette... le paysage de cette pêche est celui des grèves, des criques, l'occasion de se souvenir de sa grand-mère, son "roi pêcheur".Marc Le Gros ne pêche pas seulement pour le plaisir de l'instant et les joies de cette traque infiniment subtile. Il n'oublie pas que l'on pêche aussi pour le plaisir de montrer les fruits de cette pêche, les offrir et les déguster."Traou an aod, gle bezan ar flod.En mangeant des choses de la mer, il faut boire." A savourer.

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