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Marie Florence G.

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Avide de lectures en tous genres, je lis avec passion depuis longtemps, depuis toujours...

Thomas Rain Crowe

Aux forges de Vulcain

Conseillé par
28 octobre 2013

récits des amours d'un américain poète

Dans ce petit livre merveilleux, intitulé "Pour les femmes" (tout un programme), l’américain Thomas Rain Crowe met en scène un homme qui se remémore ses amours passées , à désirer une délicieuse religieuse avant de croiser une jolie femme espionne de la CIA. Par la suite, ses fantasmes se concentrent sur une troublante actrice, suivie d’une danseuse voyageuse. Lorsqu’il revoit une jeune fille de son lycée, son premier grand amour, ce sera l’occasion d’un drôle de retour en arrière. Et pour finir cette carte du tendre mouvementée, le narrateur de ces histoires retrouve sa tendre cousine Bennie, l’élue de son cœur.

Toutes ces femmes ont charmé l’auteur au point qu’il leur consacre à chacune un chapitre, sous-titré par le prénom de l’héroïne : « péché cardinal », « l’homme masqué », « infiltrée », « apprendre à danser : la photographie », « le secret », « les premières fois ». Autant de récits non pas croustillants mais étonnants, par le style et l’esprit de celui qui écrit (et je n’oublie pas le traducteur qui participe aussi à la réussite de ce bouquin).
Malheureusement pour l’auteur (mais heureusement pour le lecteur qui se régale de ces récits bien écrits), ces amours se fanent pour diverses raisons. Non pas que Thomas Rain Crowe est un séducteur invétéré, un Don Juan qui abandonne ses conquêtes une fois conquises. Non, il s’agit plutôt de rencontres que le hasard place sur son chemin, qui correspondent à des périodes de sa vie. Ainsi, au début, le narrateur se retrouve à Grenoble, jardinier dans un couvent. Plus tard, il devient ouvrier agricole en Californie avant d’être poète beatnik à San Francisco, chauffeur de bus dans le Sud des États-Unis…
Ce qui frappe tout d’abord, c’est la beauté des phrases, le rythme qui ressort de ces quelques pages, et ce n’est pas étonnant que l’auteur soit présenté comme un « poète, traducteur et éditeur américain ». En témoigne la première phrase du roman : « Je me demande toujours pourquoi, parmi toutes les femmes de France je suis tombé amoureux d’une bonne sœur ».
A partir d’une telle phrase, tout peut arriver… Mais ne vous fiez pas aux apparences : rien de grivois dans ces textes au langage pur, juste des histoires d’amour originales, qui s’éteignent doucement, presque sans douleur, dans la lucidité éclairée de celui qui les vit (et qui les écrit, longtemps après…).
La maison d’édition qui édite ces textes surprenants et magnifiques est peu connue et pourtant elle pourrait à elle seule en remontrer à tant de « grandes » institutions ! Bravo donc aux Forges de Vulcain d’éditer de telles merveilles.

Neuf 15,90
Occasion 3,99
Conseillé par
8 septembre 2013

Ta femme me trompe : un cocktail de sexe, de politique et de vaudeville

Avec ce titre digne d'un vaudeville, David Di Nota s'amuse à nous immerger dans une histoire d'amour qui vire à la farce politique.
Le narrateur de ce roman est un journaliste qui revient d'Italie, à la poursuite de « l'actrice pornographique Claudia Koll » qui vient de se convertir au christianisme. Avide d'obtenir ses aveux et pensant se moquer d'elle, il fait chou blanc. Après cette rencontre avortée, il rencontre un homme curieux dans un bar et échafaude avec lui des réflexions pornographiques en lien avec la littérature.

Plus tard, en France, une femme l'aborde en prétextant que son mari, victime d'un grave accident, avait dans son portefeuille le nom du narrateur... Jusqu'ici, c'est un peu compliqué à suivre mais la suite est plus limpide : cette femme et le narrateur vivent une aventure, plutôt incongrue vu les circonstances. La fin s’orientera vers un imbroglio autour du scandale du Darfour...

Ce qui frappe de prime abord, dans ce très court roman, c'est le style de David Di Nota, concis, concentré, derrière lequel on perçoit beaucoup d’ironie : son personnage se promène dans la vie avec nonchalance, pour ne pas dire avec une certaine bêtise. Le texte est bref, constitué de chapitres qui ne dépassent pas deux pages, voire trois mais c'est rare. Dommage que ce soit aussi ramassé, ce texte aurait pu, à mon humble avis, bénéficier de davantage de matière. Au départ, étant donné le peu de détails et de fioritures, j'avais du mal à suivre la logique des évènements et des rencontres. Mais globalement, ce petit roman (par la taille) est plutôt réussi : il se lit vite et j'ai bien aimé la petite musique incisive et tranchante de David Di Nota.

Petit roman sur le mensonge, la tromperie, "Ta femme me trompe" est un mignon petit roman qui peut se déguster aisément dans les transports publiques.

Neuf 22,00
Occasion 3,19
Conseillé par
10 août 2013

Plongée dans une conscience nordique

Aime-moi demain est un roman dans lequel les pensées d'un homme, Elling, défilent en flux continu. Elling, norvégien, la quarantaine, est célibataire. Il vit dans un appartement à Oslo, avec ses allocations d'adulte handicapé. Sa santé mentale est fragile, ce qui transparaît tout au long de ce long soliloque fictionnel. Évidemment, il n'y a pas beaucoup d'action dans ce texte, qui se concentre sur les diverses impressions et réflexions d'Elling, entrecoupées par ses menus déplacements. Par contre, fort heureusement, un fil conducteur apparaît dès le départ : Elling tombe amoureux de Lone, une jeune femme qui vend des saucisses. Il échafaude des tentatives d'approche autour de « la caravane à saucisses, que désormais [il associe] à un vaisseau spatial issu d'une galaxie inconnue ». Elling ne cessera alors de s'interroger sur Lone, objet de toutes ses attentions, qui est maladivement attirée par les extra-terrestres. Il ressasse indéfiniment autour de la vie de Lone, sa famille, son travail, imagine même des statistiques sur la fréquentation de la caravane (les hommes sont-ils plus nombreux à y passer ?), sur ses chances d'être remarqué et accepté. Heureusement, son meilleur (et quasi unique) ami Kjell Bjarne veille car Elling, tout à son amourette, oublie les vicissitudes du quotidien : tenir son appartement propre, se laver régulièrement et être présentable.

Ce roman est très original, il permet de plonger dans les élucubrations d'Elling, dans ses « branle-bas de combat intérieur ». Cependant, la lecture de l'ouvrage fut souvent fastidieuse : la pensée d'Elling suit des cheminements difficiles à entendre, elle aborde parfois des terrains sensibles. Et il y a de nombreuses longueurs qui freinent la fluidité du texte. Mais si on passe sur ces désagréments, ce roman est intéressant à parcourir. Derrière la fantaisie et la douce folie du personnage principal, on devine des souffrances incurables comme la disparition brutale de son père, peut-être la cause de ses errances mentales.

« Je savais quelle place m'était dévolue dans cette société, aussi avais-je appris à valoriser mon inventivité, j'avais porté en mon sein depuis tout petit mon aptitude à la fabulation. Laquelle m'avait certes joué des tours pendables à maintes reprises ; mais bon an mal an, elle avait néanmoins représenté un élément de sauvetage dans la grisaille du quotidien ».

Ingvar Ambjørnsen modèle un personnage complexe, « un homme possédant des antichambres secrètes » dont on cerne mal les contours : Elling est-il un brave type un peu faible d'esprit ou un homme qui cache bien son jeu ? Est-il un simple maniaco-dépressif avec son obsession de la propreté ou plutôt un tueur en série dont personne n'a encore deviné les crimes ? Elling est tout cela à la fois : un être tout à la fois normal et anormal, adorable et détestable, en un mot humain.

À de nombreuses reprises, un personnage récurrent traverse le roman : Oliver Grøtte, une sorte de justicier solitaire qui tue des personnes croisées sur son chemin. Une réminiscence du tueur fou Breivik, l'auteur de la fusillade d'Utoya en 2011 ? Ingvar Ambjørnsen absorbe la réalité qui l'entoure pour la faire rejaillir dans la fiction. Quel est le lien avec Elling ? On ne le sait pas vraiment clairement. Au lecteur de se faire sa propre opinion.

Malgré une couverture peu soignée à mon goût et qui ne reflète absolument pas le contenu du livre, les aventures d'Elling, sous forme de récit dense, sont un fatras de pensées, une plongée dans une conscience torturée. À réserver aux amateurs de récits nordiques et de psychismes extrêmes.