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Gwendal O.

Récréalivres est la seule librairie spécialisée jeunesse de Sarthe. Elle est aussi Librairie-Relais de L'école des loisirs et est dotée d'un Square depuis 2012.

Conseillé par (Librairie Récréalivres)
19 août 2017

Les enfants perdus

Depuis plusieurs romans publiés à L'école des loisirs (l'auteur a par ailleurs une production importante et variée), Eric Pessan nous a habitué à circonscrire ses intrigues dans le périmètre bien défini de la banlieue nantaise. Il fait se croiser les personnages attendant de les révéler et de s'attarder sur eux à l'occasion de l'écriture d'un roman. Ce sentiment de familiarité est ici battu en brèche d'abord parce que l'auteur choisit de situer une partie de son intrigue dans la mythique forêt d'Hokkaido mais aussi parce qu'il s'aventure de façon inattendue dans une forme d'imaginaire bien spécifique. L'histoire commence par le rêve de Julie, celui de l'abandon d'un enfant par ses parents dans la forêt japonaise. Mais ce rêve se reproduit ou plutôt se poursuit les nuits suivantes jusqu'à contaminer progressivement le quotidien de la jeune fille de plus en plus traumatisée. Eric Pessan réussit parfaitement à restituer l'expérience physique du rêve et entretient avec une efficacité remarquable le doute sur celle-ci en encrant le roman dans un réalisme prosaïque très contemporain (la crise des migrants est évoquée d'une façon étonnante). Ce mouvement fascinant entre le fantastique et la fantasy destabilise le lecteur qui n'est jamais conduit exactement là où il l'imaginait. Certainement une des plus grandes réussites de cet auteur, à l'image de cette couverture figurant une forêt dense de troncs comme morts, renversés par un jeu de cadrage : énigmatique et fascinante.

16,50
Conseillé par (Librairie Récréalivres)
17 août 2017

Shéhérazade en famille

On attend toujours le dernier roman d'Anne-Laure Bondoux avec l'assurance d'y retrouver toutes les qualités qui font d'elle un des auteurs incontournables de la scène jeunesse. On attend toujours le dernier roman d'Anne-Laure Bondoux avec l'espérance de revivre l'expérience vécue à la lecture des "Larmes de l'assassin" publié chez Bayard en 2003, authentique classique du genre. Jusqu'à présent les réussites se sont multipliées et on avait gardé un bon souvenir son détour vers la fantasy avec "Tant que nous sommes vivants" chez Gallimard il y a trois ans. "L'aube sera grandiose" est un roman de transmission, un portrait de famille et surtout de femmes. Titania enferme sa fille (et le lecteur avec elle) dans une cabane jouxtant un lac, perdue dans la forêt. En véritable Shéhérazade, durant toute la nuit, la mère va révéler à sa fille unique l'histoire familiale tenue secrète jusqu'alors. Au delà du récit enlevé et d'une série de personnages hauts en couleur, Anne-laure Bondoux s'empare d'une époque (la deuxième moitié du 20e siècle) en s'appuyant efficacement sur les décalages inter-générationnels. Ce qui séduit le plus dans le roman, ce sont les figures de femmes indépendantes, en particulier celui de Rose-Aimée, la grand-mère de Nine qui semble tout droit sortie d'un roman de Japrisot. L'auteure joue tout au long de son histoire avec le réel (Titania est elle-même écrivain et le roman est illustré par les dessins de Coline Peyrony, la fille de l'auteure) enrichissant malicieusement la fiction. Si l'on est plus réservé sur le dernier tiers du roman où la passion romanesque de l'auteure glisse un peu trop dans l'excès, "L'aube sera grandiose" devrait réjouir les amateurs d'Anne-Laure Bondoux (qui sont aussi nombreux chez les ados que les adultes). Un talent pour toucher toutes les générations une fois encore.

Neuf 16,00
Occasion 3,19
Conseillé par (Librairie Récréalivres)
16 août 2017

Very strange things

"Colorado Train" est le premier roman de Thibault Vermot, une plume à suivre dans les années à venir. On y fait connaissance d'un groupe d'amis vivant dans les années 50 à Durango, ville du Colorado. A la suite d'un enlèvement suspect, ces jeunes ados vont être confrontés à un tueur énigmatique et terrifiant. On sent immédiatement dans quelle lignée romanesque l'auteur choisit de s'inscrire. Les références au maître de l'horreur, Stephen King, sont explicites ("Stand by Me" notamment) et parfois un peu trop appuyées. Mais on ne boude pas son plaisir. Il est d'ailleurs étonnant de voir comment le cadre des années 50 se trouve alimenté par toute une imagerie héritée d'une certaine production cinématographique des années 80 (réactivée récemment par le succès de la série "Strange Things" à laquelle on pense aussi parfois). Thibault Vermot s'amuse de tous ces clins d'oeil américains avec un plaisir qu'on sent riche de toute une expérience de lecteur et de spectateur, de fan. Mais avant toute chose - et c'est à cela qu'on doit la réussite de ce Colorado Train - l'auteur réussit son personnage de méchant, une intrigante figure de tueur qui devrait troubler le sommeil de certains lecteurs.

Notari

19,00
Conseillé par (Librairie Récréalivres)
26 mai 2017

Insondable

"Coeur de bois" est le nouvel album du duo Henri Meunier et Régis Lejonc ("La mer et lui" mais aussi "La rue qui ne se traverse pas" déjà chez Notari) et peut être leur album le plus abouti. Revisitant le conte du "Petit Chaperon Rouge", ils s'affranchissent ici complètement des critères usuels d'âge de l'album comme forme littéraire . "Coeur de bois" s'adresse en effet autant sinon davantage à ceux qui ont lu le conte et ont à présent l'âge d'Aurore, l'héroïne au béret du livre. Il est assez problématique de parler de chef d'oeuvre avant que le temps n'en ai fait son affaire mais "Coeur de bois" témoigne d'une telle maîtrise et d'une telle force que les paris peuvent être lancés sans trop de risque. La beauté froide, radicale de l'album, est à l'image du visage tour à tour impassible et songeur de celle qui n'a rien oublié de son enfance. Ce retour "sur les lieux du crime" à la façon d'une commémoration peut-être lu comme une allégorie du pardon mais nous sommes autorisés "à ne pas comprendre pourquoi". La profondeur insondable des ces bois est propice à de nombreuses visites.

Hélium

13,90
Conseillé par (Librairie Récréalivres)
24 mai 2017

"Tu veux les voir encore une fois ?"

Il en va des suites en littérature de jeunesse comme ailleurs : elles déçoivent plus souvent qu'elles ne surprennent et cachent assez mal intérêt commercial et fainéantise. "Antoinette" est la suite miraculeuse du délicieux "Gaston" du même duo d'auteurs. On avait quitté Gaston et Antoinette parents d'une portée de chiens bigarrés. "Antoinette" peut se lire comme une "intrigue parallèle". Le plaisir de retrouver tous les protagonistes canins est manifeste et Kelly DiPucchio le surjoue avec malice "Les revoici !". Le dessin vintage de Christian Robinson, ici très "américain à Paris", se prête à nouveau avec le même bon goût aux répétitions de motifs et aux effets de miroir. C'est à la fois charmant et brillamment mené si bien qu'on trouve parfaitement méritée cette statue d'Antoinette trônant dans le parc à la fin... et on en redemande encore.