Mona, ex-flic en errance, hérite d’une maison dans la petite ville de Wink, qui semble ne figurer sur aucune carte. La ville est idyllique, mais très vite des discordances se montrent : les habitants ne sortent jamais la nuit, et certains ont des comportements étranges...
American elsewhere installe une ambiance inquiétante où les perceptions de la réalité et du temps même se brouillent. Qui sont ces êtres étranges que les habitants semblent fuir ? Qu’est-il advenu de l’ancien laboratoire ? Quid du cataclysme qui s’est abattu sur la ville des années plus tôt ? On va de révélations en retournements de situations, le récit est bien rythmé malgré les quelques 900 pages en format poche, et l’ambiance pesante maîtrisée jusqu’à la fin.
Fan de Stephen King ou de romans à tendance horrifique ? On ne saurait que trop vous conseiller American elsewhere !
États-Unis, 1915. Adélaïde Henry rejoint le Montana afin de s’établir sur un lopin de terre acquis grâce aux Homestead Acts. Mais Adélaïde est seule, noire, et transporte avec elle une mystérieuse malle qui semble provoquer, lorsqu’elle est ouverte, la disparition des personnes autour d’elle...
Les esseulées fourmille de thèmes : sororité, tolérance, différence, famille,... L’isolement dans l’immensité du Montana est très bien retranscrit, et la mystérieuse malle ne fait qu’ajouter un peu d’oppression au récit. L’histoire est menée de main de maître, avec des personnages mémorables. Victor Lavalle réussit ici un récit magistral.
L’auteur d’Alfie, roman très apprécié à sa sortie, nous revient avec une nouvelle histoire grinçante.
Dans un monde où les faits et gestes de chacun sont scrutés, mis en ligne et convertis en indice de bonheur, Juliette et Néo rêvent d’avoir un enfant. Mais seul un indice élevé leur donnera accès à la parentalité tant convoitée. Et le couple tout d’abord heureux chute inévitablement dans l’obsession...
Autour d’eux gravitent des personnages plus ou moins dérangés : cette conseillère qui déteste sa mère, mais aussi un tueur qui semble frapper ceux qui ont un indice de bonheur particulièrement élevé...
Le parallèle avec les réseaux sociaux et la surveillance de masse est vite fait. Tout est sous contrôle exagère le trait sans pour autant s’éloigner du domaine du possible. Glaçant et bourré d’humour noir, c’est encore une belle réussite de Christopher Bouix !
Après la fin de la Guerre des Astres, Sirem a été recueillie par Ziri et travaille avec lui sur son projet de bibliothèque. Sirem considère Ziri comme son père adoptif ; aussi, lorsque celui-ci est arrêté par la garde impériale, elle n’hésite qu’à peine avant de pactiser avec Tanit, mystérieuse jeune femme victime d’une malédiction qui la confine dans le corps d’un oiseau. Elle se lance alors dans une quête périlleuse à travers la Constellation…
One-shot dans une production généralement trop centrée sur les sagas, Sirem dénote aussi de par son ambiance et les lieux où évoluent les personnages. Inspiré par les traditions culturelles et les contes berbères, Sirem sort du carcan occidental habituel aux livres de fantasy destinés aux ados, et apporte au milieu une fraîcheur plus que bienvenue.
Sirem est dans sa construction somme toute assez classique : un danger, une quête à accomplir, une prophétie, des alliés rencontrés en chemin et des épreuves à franchir. Le roman est néanmoins très habilement mené (et il s’agit d’un premier roman, ce qui fait d’emblée de Yasmine Djebel une autrice très prometteuse) et les personnages réussis. Sirem est un personnage très attachant, de par ses failles, ses doutes et sa détermination à sauver Ziri. On se prendra aussi d’affection pour les personnages entrant plus tard dans le récit – Kamil, l’apprenti sorcier, ou le très jeune Nedjim. Chacun a son histoire et son objectif propre, créant ainsi des liens qui se font et se défont au fil de l’intrigue. Tanit, notamment, est un personnage ambigu une bonne partie du roman, et les interrogations à son sujet seront nombreuses… Fantasy oblige, l’univers est bien sûr parsemé de magie, qui est très bien équilibrée, et tient plus du domaine du légendaire que de la magie à laquelle nous sommes habitués, celle avec baguette et potions.
La quête de Sirem passe de villes en villes. Chacune a son ambiance, son histoire, et ses particularités. Mention spéciale à Chergui, la ville oubliée, qui a une atmosphère toute particulière et très réussie.
Les thèmes abordés, enfin, sont nombreux : le deuil, la guerre, le déracinement et la discrimination. Des thématiques somme toute d’actualité mais abordés avec finesse, faisant de Sirem un roman loin d’être déprimant.
En bref, Sirem et l’oiseau magique est une belle réussite et un excellent premier roman. L’ambiance nous change des romans jeunesse habituels, ce qui apporte un réel vent de fraîcheur dans cette littérature trop souvent occidentalisée. Le déroulement de l’histoire est habile, ses thèmes abordés avec subtilité. Un très bon roman que je vous conseille fortement.
Uoto, jeune auteur de 25 ans, fut d’abord passionné de philosophie puis de sciences. Il se spécialisera dans ce tout dernier domaine à l’université, s’intéressant tout particulièrement à l’évolution des théories de l’héliocentrisme. Repéré à 23 ans par le célèbre éditeur Kodansha, c’est finalement dans le domaine du manga qu’il partira. Quoi de plus logique que sa passion pour la science et du manga se combinent ?
Le Mouvement de la Terre débute au Moyen Âge. Il est sans doute difficile, alors que tant d’éléments liés à l’astronomie et à l’astrophysique nous semblent maintenant évidents, d’imaginer ce que la répression de certaines théories a pu être à l’époque. Uoto n’hésite pas à nous le rappeler, et ce littéralement dès les premières pages. Car soyez avertis : certaines scènes sont violentes, et les tortures sont évoquées de façon crue. C’est pourtant justifié, les pouvoirs de l’époque réprimant sans hésitation toute remise en question des textes sacrés. L’héliocentrisme, et plus particulièrement le fait que la Terre ne soit pas au centre de l’univers, a mis du temps à être accepté…
Rafal, personnage principal, fils adoptif d’un ecclésiastique, va lui aussi mettre du temps à l’accepter. Brillant étudiant, poussé par son père à abandonner l’astronomie au profit de la théologie, il aurait sans doute pu en rester là de sa passion pour le ciel, n’eut été sa rencontre avec Hubert, un homme tout juste sorti de prison où il avait été enfermé à cause de sa théorie sur l’héliocentrisme. Loin d’abandonner ses recherches comme il l’avait pourtant promis lors de son jugement, Hubert va exposer ses théories au jeune Rafal, et remettre en doute toutes ses croyances et sa foi…
Si le dessin de Uoto n’est pas extraordinaire en soi, c’est l’histoire qui est prenante. Le contexte historique d’abord, est brillamment représenté et, pour ce que j’en sais (et je ne prétends pas être spécialiste en la matière, aussi des erreurs ou maladresses ont tout à fait pu m’échapper), relativement exact. La narration est bien menée, et l’on s’attache très vite aux personnages. Car quoi de plus normal de se scandaliser de voir qu’un tel sort était réservé à ceux qui soutenaient la simple idée de la Terre qui tourne autour du Soleil ? L’antagoniste, inquisiteur aux ordres de l’Église, rempli parfaitement sa fonction de personnage détestable et effrayant : ici récupérant le ballon d’un enfant coincé dans un arbre avant d’aller torturer son père… Quant au personnage de Rafal, s’il est peut-être un peu survolé — mais comment faire autrement dans un format aussi court ? —, on pardonne volontiers à l’auteur, qui a réussi malgré tout à rendre l’ensemble totalement crédible et, il faut le souligner, accessible. Comprendre que vous n’aurez pas droit à des pages d’équations incompréhensibles au néophyte : les théories évoquées le sont de façon simple. Rien d’inaccessible à un non-scientifique donc.
La fin est inattendue ; le tome suivant ne mettra que trop de temps à sortir !
Seinen historique et passionnant, Le mouvement de la Terre a été largement primé au Japon, et cela se comprend à la lecture ! Je ne peux que trop vous recommander cette série qui démarre sur les chapeaux de roue et qui promet, au long de ses 8 tomes, d’être tout bonnement excellente.