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La parole ou la vie, Valeur et dette en Mélanésie
EAN13
9782753538108
Éditeur
Presses universitaires de Rennes
Date de publication
Collection
Le Sens social
Langue
français

La parole ou la vie

Valeur et dette en Mélanésie

Presses universitaires de Rennes

Le Sens social

Livre numérique

  • Aide EAN13 : 9782753538108
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Les Kanaks de Maré, aux îles Loyauté, mobilisent l’ensemble de leurs forces
productives et leur imaginaire pour cultiver des ignames et, à travers ces
plantes, des relations sociales. Ils trouvent dans la production agricole les
formes originales d’une idéologie qui place un cadet sous l’autorité
inflexible d’un aîné. En même temps que celui-ci recouvre la dette matérielle
qui pèse dès l’enfance sur son cadet, il exerce un droit prioritaire de
parole. Sur cette île, où les activités champêtres ne sont pas toujours
paisibles, la loi qui ordonne les prises de parole masculines est la même qui
ordonne les prestations cérémonielles d’ignames dans la chaîne des fratries
lignagères et claniques, en dernier lieu dans celle de la chefferie. Et ces
hommes, en quête d’honneur et de renom, tatillons sur les règles oratoires qui
définissent leur position dans la fratrie clanique, n’accordent que peu
d’intérêt à d’autres civilités, discrètes mais tout aussi savantes, que les
femmes ont inventées pour coopter les nouvelles épouses appelées à les
rejoindre. Celles-ci échappent ainsi à la rigueur de la loi qui ordonne les
prises de parole masculines et le mutisme des cadets. Mais toute loi,
imprimant sa coercition aux sujets qui l’observent, suppose l’horizon de sa
transgression. Quelle que soit la société d’ailleurs, il ne va pas de soi
qu’Untel parle et qu’un autre se taise. L’auteur décrit ici cette loi qui
prescrit les accès à la parole et garantit la reproduction de la hiérarchie
sociale. C’est pourquoi les mêmes voix qui résonnent dans le moi divisé du
cadet ont décidé des institutions de la chefferie. L’une est prescriptive :
elle dit la loi ; la deuxième est sourde à la première : elle révèle les voies
subjectives de la transgression ; la troisième restaure l’audience de la
première : elle met en œuvre la répression. Comme l’histoire guerrière de
l’île le montre, l’insubordination à la parole des aînés peut conduire au
délitement des ordonnancements de la parole. Les gens de Maré ont donc imaginé
recourir à des « maîtres du mal », des spécialistes étrangers, experts en
formules et manipulations meurtrières, pour qu’ils rappellent à tout cadet
récalcitrant le pacte injonctif qui le lie à son aîné, comme à l’Aîné ultime,
Seigneur de la chefferie : la parole ou la vie !
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