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Le pitaud, romans
EAN13
9782809802207
ISBN
978-2-8098-0220-7
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
Terroir
Nombre de pages
723
Dimensions
24 x 16 cm
Poids
912 g
Langue
français
Code dewey
843

Le pitaud

romans

De

Archipel

Terroir

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COLLECTION « TRIO »

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34, rue des Bourdonnais 75001 Paris.
Et, pour le Canada,
à Édipresse Inc., 945, avenue Beaumont,
Montréal, Québec, H3N 1W3.

eISBN 978-2-8098-0971-8

Copyright © L'Archipel, 2009.

À Odette, ma femme.

À Paul, Gilles, Pierre, mes petits-enfants.

À Lou, mon arrière-petit-fils.

Une vie de pitaud

« Être pitaud, écrivait Pierre Galoni en songeant à son destin, ce n'est pas la condition ordinaire d'un enfant. L'enfant vit et grandit au sein d'une famille, parfois mutilée du père ou de la mère, parfois séparée. Même s'il est battu, malmené, plus durement élevé qu'un pitaud, il peut dire à ceux qui le font souffrir “papa”, “maman”. Le pitaud, jamais. »

Mais qu'est-ce qu'un pitaud ? Dans son fameux Gaspard des montagnes, en 1922, Henri Pourrat peint du « pitaud de campagne » un portrait peu flatteur : « bien champêtre, bien brave, bien honnête, sans plus de biais que ses vaches [...], les yeux un rien ahuris et la bouche entr'ouverte1 »... Pierre Galoni, orphelin de guerre, n'avait alors que sept ans : un peu tôt pour être l'idiot du village ! Près d'un siècle plus tard, nos dictionnaires ne sont guère plus avancés : « Pitaud : personnage grossier, lourdaud au physique et au moral. »

Il sera donc revenu à Pierre Galoni d'ajouter un alinéa à l'histoire de ce mot. Depuis la première publication du Pitaud, en 1995, des milliers de lecteurs n'ignorent plus que l'on nommait ainsi les enfants de l'Assistance publique qui, comme lui, furent placés chez des paysans et soumis aux rudes travaux des champs. « Pourquoi ai-je attendu d'avoir quatre-vingts ans pour écrire cette histoire ? se demandait-il au soir de sa vie. Ai-je cédé à la tentation de l'autobiographie? Je ne le crois pas. Le pitaud, ce n'était pas seulement moi. C'étaient des milliers d'enfants qui appartiennent, comme tous les autres, à l'humaine condition, avec lescaractéristiques si particulières qui méritent qu'un écrivain se penche sur leur sort. Voilà ce que je voulais faire en racontant mon enfance. »

Il y avait une autre raison : Pierre Galoni était attristé et révolté de voir que l'analphabétisme regagnait du terrain et que les Paul Alban, « hussards » de l'instruction publique, semblaient avoir baissé les bras. « Dans le monde d'aujourd'hui, si différent de celui vécu par Pierre Florelli dans Le Pitaud, il faut assurer l'avenir de nos jeunes en redonnant à l'école primaire sa mission prioritaire: apprendre à lire, à écrire, à compter. » Sans le dévouement d'un Paul Alban, le pitaud Galoni ne serait pas devenu boursier, ni le boursier instituteur, puis professeur, secrétaire confédéral de Force ouvrière, membre du Conseil supérieur de l'Éducation nationale et du Conseil économique et social, officier des palmes académiques et de la Légion d'honneur... et enfin écrivain, que l'on a parfois comparé à Hector Malot et Marcel Pagnol !

Profitant d'une signature dans la Sarthe, Pierre Galoni était retourné, soixante-quinze ans après, dans les villages de son enfance. Mais il n'avait rien retrouvé : les fermes des Quercy et des Freiquin n'existaient plus. « Là où poussaient le blé, le chanvre, le trèfle rouge, le chou-moelle, le navet, la lisette et la citrouille, s'étendaient à l'infini, sous le jet tournoyant des longs bras d'arrosage, la verdure du maïs et celle, fleurie, de la pomme de terre... » Les pitauds eux-mêmes ont disparu. Mais ils continuent de vivre dans ce roman d'apprentissage à la fois bouleversant et truculent, auquel l'imagination de Pierre Galoni a ajouté trois épisodes, aujourd'hui réunis en un volume.

Ce livre, Pierre Galoni l'avait aussi écrit pour son épouse. « Je l'ai mis dans son cercueil, disait-il, et j'ai demandé à mes enfants de le mettre aussi dans le mien. » Le pupille Galoni, Pierre, Joseph, n° matricule 5063, admis le 22 août 1920 à l'Assistance publique, repose désormais à Montcusel, village du Jura. Comme Pierre Florelli, il avait promis de ne jamais pleurer. Et il a tenu parole. La vie l'a payé d'un franc sourire, qui continue d'illuminer son œuvre.

(L'éditeur)

— Flo-rel-li.

Les syllabes claquent derrière la grosse moustache. Une main épaisse et velue calligraphie très lentement. Les sourcils en broussaille se lèvent du registre. Les yeux froids fixent la jeune femme. Elle est pâlote, menue. Elle tremble de peur et de honte.

— Avec un nom pareil, le père n'a pas connu Verdun.

— Si, répond la femme. Il y a perdu une jambe. C'est même pour ça qu'il est resté avec son infirmière.

— Moi, j'y ai perdu un bras. Le gauche, heureusement. Je peux encore écrire.

L'enfant se tient blotti contre sa mère. Il tremble aussi, mais, tôt ce matin, il lui a promis de ne pas pleurer. Alors il ne pleure pas.

Autour de son cou, des doigts rudes passent un collier de perles en bois où pend une médaille métallique portant un numéro. La main le pousse vers une porte qui s'ouvre brusquement.

La mère s'élance vers son enfant pour le retenir, l'embrasser, lui promettre de l'aimer toujours. Trop tard. La porte se referme. On pousse la femme vers la sortie.

En première page du carnet du pupille Florelli, recouvert de toile noire, ces indications :

ENFANTS ASSISTÉSCatégorie :DépôtN° matricule :5063Nom :FlorelliPrénom :PierreNé le :25 février 1913Admis le:10 juillet 1918

Le directeur lit à haute voix. Il tourne deux pages, puis reprend :

— Certificat de placement... Je soussigné Kerkhove, directeur de l'agence de Garbois, certifie avoir placé l'enfant dénommé au présent livret chez Mme Quercy, femme Archenault, demeurant à Mairey... Certifié véritable, Garbois, le 20 août 1918... Signé : Kerkhove, dit-il en joignant le geste à la parole.

Ayant vérifié que la médaille porte bien le numéro 5063, il remet aux Quercy, de modestes et braves paysans, le pupille Florelli, avec son livret, les cent francs de la pension trimestrielle et le paquet de la sixième vêture.

1

Les Quercy n'en étaient pas à leur premier « pitaud », comme on nommait alors les enfants assistés. Vingt ans plus tôt, ils avaient déjà adopté une fille, la Mélie.

Mais avec Florelli, ils tombèrent aussitôt sous le charme.

Dans la cour de la ferme, toilettée en l'honneur de son arrivée, la Mélie aida le nouveau venu à descendre de la carriole, le prit dans ses bras, caressa son crâne tondu, un crâne de pitaud. Elle était, elle aussi, victime du même envoûtement.

Quant à Pierre, pour la première fois depuis qu'on l'avait arraché à sa mère, après des jours d'attente et des nuits d'insomnie, il trouvait enfin un refuge protecteur.

Il ignorait tout de la ferme et des champs. La Mélie l'initia. Elle le fit aimer du chien Olaf et de la chatte blanche. La chèvre et les trois vaches acceptèrent ses caresses. À son approche, les lapins remuèrent le museau. Si leur ration d'herbe fraîche tardait à venir, ils tapaient sur le sol, impatients, de la patte arrière. Voyant apparaître le nouveau pitaud, le coq se plantait devant lui et ameutait ses poules, qui accouraient en caquetant. Elles se disputaient les graines qu'il leur jetait par poignées.

Peu à peu, Pierre se laissait apprivoiser. La Mélie s'épanouissait, sa beauté nourrie d'amour.

La Mélie n'avait que quelques semaines lorsque le directeur de l'agence de Garbois l'avait confiée aux Quercy. Avec une tendresse maternelle, la fermière l'avait couchée dans le berceau de l'enfant qu'elle n'avait pu concevoir elle-même.

Travaillant dur, sans un seul jour de vacances, les Quercy vivaient pauvrement, mais n'en ressentaient ni gêne ni humiliation. La Mélie les comblait d'une richesse que leur enviaient les fermiers les plus cossus. Elle leur avait donné tant de joie au cours de ces vingt années qu'ils ne s'étaient pas vus vieillir.

Selon l...
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