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Tu vivras, mon fils, L'extraordinaire récit d'un rescapé de l'enfer cambodgien
Format
Broché
EAN13
9782841876990
ISBN
978-2-84187-699-0
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
RECITS, TEMOIGN
Nombre de pages
310
Dimensions
10 x 10 x 2 cm
Poids
100 g
Langue
français
Langue d'origine
anglais
Code dewey
959.604

Tu vivras, mon fils

L'extraordinaire récit d'un rescapé de l'enfer cambodgien

De

Archipel

Recits, Temoign

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DU MÊME AUTEUR

L'Utopie meurtrière, éd. Robert Laffont, 1979.

Ce livre a été publié sous le titre
Stay Alive, My Son
par Cornell University Press, 2000.

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Et, pour le Canada,
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Montréal, Québec, H3N 1W3.

eISBN 978-2-8098-1122-3

Copyright © Pin Yathay, 2000.
Copyright © L'Archipel, 2000, pour la traduction française.

A la mémoire de tous les miens.

Préface

Je mets le point final à ce récit personnel sous la brise océanique de la Nouvelle-Calédonie. C'est comme une réincarnation. J'ai du mal à me voir comme la personne qui a assisté au génocide de son propre peuple, il y a plus de vingt ans.

A la fin de la guerre civile, en avril 1975, le Cambodge de mon enfance, au lieu de retrouver la paix attendue, devint un enfer. La roue de la révolution khmère rouge, voyant des ennemis partout, chercha à écraser le pays, ses habitants, sa culture – individus, familles, société, savoir, croyances, et tous les sentiments, même l'amour. A bien des égards, elle y parvint. Le Cambodge constitua un terrain d'expérimentation de l'idéologie totalitaire à l'échelle d'une nation. Haine et peur régnaient. Villes, biens matériels, argent, marchés, éducation et arts étaient condamnés. Des millions de gens subirent la déportation, les travaux forcés, la faim et la mort. Le pays devint un vaste camp de concentration.

En vingt-sept mois, j'ai perdu ceux que j'aimais – dix-sept membres de ma famille et d'innombrables amis – et tout ce qui m'était cher. Il ne me reste que des souvenirs.

Mon désir est que, par ce livre, ces souvenirs demeurent vivaces. Je veux que le monde entier sache comment mes enfants, ma femme, mes parents, mes frères, mes neveux et mes cousins furent tués. Mais je souhaite aussi que mes souffrances et celles de ma famille rappellent ce qui est arrivé à des millions de personnes. Je veux que chacun constate comment des idéaux séduisants de justice et d'égalité engendrent, lorsqu'ils sont pervertis par des fanatiques, l'oppression la plus cruelle et la misère générale.

Heureusement pour le Cambodge, les radicaux communistes ne régnèrent que trois ans, huit mois et vingt jours. En janvier 1979, les Vietnamiens cueillirent le pays comme un fruit mûr et évincèrent le régime khmer rouge du pouvoir. L'intervention du Viêt-nam fut acclamée par presque toute la population, ainsi libérée de l'utopie meurtrière de Pol Pot.

Mais, au fil du temps, les Cambodgiens devinrent de plus en plus hostiles à l'occupation étrangère de leur pays et à la République populaire du Kampuchéa, le nouveau régime socialiste, rapidement mis en place avec l'appui du Viêt-nam. Fin 1979, malgré les risques courus et leur état de santé déplorable, des centaines de milliers de mes compatriotes parvinrent à se réfugier en Thaïlande.

Certains partirent vivre à l'étranger. La plupart restèrent de nombreuses années dans des camps, le long de la frontière thaïlandaise, puis furent recrutés dans la résistance antivietnamienne, qui comprenait les loyalistes de Sihanouk du Front uni, le Front national de libération du peuple khmer, dirigé par Sonn San, un ancien Premier ministre, et la faction dure des Khmers rouges. En juin 1982, ces trois factions formèrent un gouvernement de coalition en exil, soutenu par les pays occidentaux et par la Chine, et reconnu par les Nations unies.

Une guérilla fut menée pendant dix ans, jusqu'à la signature des accords de paix de Paris, en octobre 1991, coïncidant avec la fin de la guerre froide. Malgré les critiques portées contre elle, l'Autorité provisoire des Nations unies au Cambodge (APRONUC), chargée d'appliquer les accords, organisa avec succès le rapatriement d'environ 360 000 Cambodgiens réfugiés en Thaïlande et les premières élections nationales justes et libres du pays, en mai 1993.

En dépit du boycott et des actes d'intimidation des Khmers rouges, les élections, dans l'ensemble, se déroulèrent dans le calme. La participation s'éleva à environ 90 % des 4 760 000 électeurs recensés et inscrits. Une nouvelle constitution, fondée sur des principes démocratiques libéraux et restaurant la monarchie, fut adoptée par l'assemblée élue. Le roi Norodom Sihanouk retrouva son trône.

Dans les années qui suivirent le départ de l'APRONUC, le Cambodge s'ouvrit au monde extérieur, connut la croissance économique, une vie politique instable mais pluraliste et le triomphe apparent de la démocratie sur le totalitarisme. Comme prévu, d'autres élections nationales eurent lieu en juillet 1998. Malgré divers incidents avant et après ces élections, un gouvernement de coalition dirigé par le Premier ministre Hun Sen fut formé en décembre par les deux partis vainqueurs : le Parti du Peuple cambodgien, mené par Samdech Chea Sim, et le Parti royaliste FUNCINPEC, mené par le prince Norodom Ranariddh, avec pour opposition le parti de Sam Rainsy. Néanmoins, la démocratie toute neuve, l'autorité de la loi et le respect des droits de l'homme ont encore besoin d'être encouragés et consolidés, afin que le Cambodge devienne une société qui se respecte, un État moderne.

Pendant cette période, les Khmers rouges continuèrent leur lutte armée jusqu'à l'effondrement total de leur organisation en 1998, après les défections massives et la soumission de deux de leurs principaux dirigeants, Ieng Sary et sa femme Khieu Thirith. Puis ce fut l'exécution de Son Sen et de son épouse Yun Yat, et la mort de Pol Pot, dont le corps fut « brûlé comme un vieux détritus ». Enfin, les autres grands dirigeants khmers rouges, Khieu Samphan, Nuon Chea, Ta Mok, dit « le boucher », et le grand bourreau, Duch, se rendirent ou furent capturés.

Exception faite des deux derniers, la plupart des chefs khmers rouges vivent à l'heure actuelle en toute liberté au Cambodge. A ce jour, ils n'ont pas été jugés pour les massacres qu'ils ont commis. Pourtant, des personnes coupables de violation des droits de l'homme, en ex-Yougoslavie ou au Rwanda par exemple, ont été condamnées par les tribunaux. Quand donc les Nations unies et le gouvernement cambodgien formeront-ils un tribunal spécial international, comme le préconisent les experts judiciaires de l'ONU ? Quand donc les Cambodgiens obtiendront-ils réparation ?

Pour les innombrables victimes, pour les survivants, livrer ces meurtriers à la justice constitue actuellement un impératif moral. Les Cambodgiens et le monde entier pourraient alors faire toute la vérité sur cette tragédie et clore ce sombre chapitre de l'histoire du Cambodge.

Si ces criminels étaient identifiés et punis, la population pourrait enfin guérir de son douloureux passé, laisser cette terrible période derrière elle et disculper tous ceux qui, bien que non coupables, se sont vus impliqués d'une façon ou d'une autre dans le mouvement khmer rouge. Il est donc nécessaire que les Khmers rouges rendent compte des crimes et des atrocités commises, pour mettre fin à l'impunité et dissiper la suspicion et la méfiance qui règnent encore au Cambodge. La réconciliation nationale en sortirait renforcée, permettant à mon pays d'entrer dans une ère de paix durable.

Après tous ses manquements envers le Cambodge, la communaut é internationale se doit de soutenir ces efforts, tant retardés, pour engager des poursuites contre les Khmers rouges. Une justice totale, équitable et indépendante, libre de toute ingérence politique, doit être rendue, non seulement pour le peuple cambodgien, mais pour la dignité même de la civilisation du nouveau millénaire.

Le Cambodge n'est pas un cas isolé de violence organisée et de crimes contre l'humanité. On dit que l'histoire est le miroir de l'avenir. Je prie pour que cette phrase ne se vérifie pas. Je prie pour que ces mémoires contribuent à empêcher que de telles horreurs se reproduisent. Alors, au moins, ma famille et des millions d'autres Cambodgiens ne seront pas morts en vain.

Nouméa, mai 2000

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