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Auteurs et illustrateurs répondent à nos questions autour de leur dernier livre. Découvrez leurs livres de chevet, leurs conseils de lectures, et plongez dans les coulisses de leur travail.

Entretien avec...

Gersende est responsable du rayon bandes dessinées et littératures de l'imaginaire à la librairie l'Esperluète, à Chartres, depuis trois ans. Après quelques années passées à la librairie anglaise Shakespeare and Company à Paris, elle a rejoint l'Esperluète et implanté un rayon de livres en anglais, dont elle s’occupe également.

L'Esperluète est une librairie indépendante et généraliste de 500m2 avec un stock riche d'environ 50 000 références. Librairie emblématique de la ville de Chartres, elle est située dans une maison comportant des vestiges du XVIe siècle. En 2022, la librairie a fait peau neuve et a rouvert ses portes au mois de novembre, après d'importants travaux de rénovation.

 

Pouvez-vous vous présenter et nous parler un peu de votre parcours ? Avez-vous suivi une formation pour devenir libraire ?

 

J'ai étudié les humanités et plus spécifiquement la littérature anglaise, avant de partir vivre cinq ans en Irlande. Lorsque je suis revenue vivre en France, j'ai rejoint Shakespeare and Company. Au cours de mes 6 années en librairie anglaise, je me suis formée à l’École de la Librairie, d'abord à la découverte du métier de libraire pour consolider les bases, puis sur les problématiques de reprise de librairie. J'ai surtout veillé à multiplier les expériences (stages en magasin, manipulation de divers logiciels de librairie, salons du livre, ...) afin d'apprendre au maximum de situations concrètes.

 

Pourquoi êtes-vous devenue libraire ?

 

Cela a commencé par un stage, puis un autre, puis l'opportunité de rejoindre l'équipe de l'Esperluète le temps des Rendez-vous de l'Histoire à Blois. Je me suis faite happer par la passion de ce métier: la découverte permanente de nouveaux livres, la rencontre des gens passionnés, tant les éditeurs et les auteurs que les clients et les collègues.

 

Vous êtes responsable du rayon BD et mangas de la librairie l'Esperluète. Comment sélectionnez-vous les ouvrages ?

 

Pour les nouveautés, je travaille de près avec les représentants. C'est une relation de confiance mutuelle sur le long terme, au sens où ils connaissent très bien les titres de leurs catalogues et le profil de la librairie. De mon côté, je connais ma clientèle ce qui permet d'acheter les nouveautés au mieux mais aussi de tenter de prises de risque sur certains titres auxquels on croit. Je veille également à maintenir une offre diversifiée sur le fonds. Enfin, j'écoute les clients qui sont aussi de grands lecteurs. Parfois, c'est eux qui nous conseillent et attirent notre attention sur un texte. C'est toujours un précieux moment d'échange.

 

Quel est le profil des personnes qui viennent dans votre rayon ?

 

Dernièrement, le lectorat de la BD s'est beaucoup renouvelé et diversifié. Le Roman Graphique a permis de féminiser le lectorat traditionnel plutôt assidu à la BD franco-belge mais aussi d'attirer de nouveaux lecteurs, notamment de littérature générale qui découvrent un rayon qu'ils ne fréquentaient pas auparavant. De par son côté très littéraire, le Roman Graphique touche un public plus large que la BD franco-belge et ce, dès l'adolescence.

Par ailleurs, l'essor du manga attire un public adolescent qui, peut-être, n'aurait pas facilement franchi la porte d'une librairie indépendante. C'est important de savoir les accueillir et de montrer que la librairie est aussi un lieu pour eux. Enfin, de la BD sans texte jusqu'aux grandes séries jeunesse, la BD pour les enfants est un rayon foisonnant où la production s'est grandement renouvelée par rapport aux traditionnels Astérix et Tintin. On s'y régale.

 

Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ? Et le moins ?

 

L'effervescence de la fin d'année, les rencontres avec les auteurs, mais je dirais qu'au jour le jour, c'est la découverte permanente des nouveautés qui fait que le plaisir de lire est toujours là et qu'on le partage avec les clients. J'aime aussi sortir de mon rayon et découvrir ce qui se passe chez mes collègues.

En dehors du manque de temps dont, je pense, tous les libraires ressentent la frustration, je trouve que l'on manque d'occasion de mieux se connaître entre libraires et éditeurs. Ce sont des moments que l'on peut avoir lors de salons du livre et qui sont importants pour développer des liens entre ceux qui conçoivent les livres, choisissent des textes et des auteurs et établissent des catalogues qui sont leur identité, et au final, ceux qui vendent ces livres dans ces lieux si singuliers que sont les librairies indépendantes.

Autre point frustrant, je dois aussi ajouter un mot sur le gâchis dans la chaîne du livre. La profession, via notamment le Syndicat de la Librairie, réfléchit aux bonnes pratiques à mettre en place et d'ores et déjà, chaque librairie fait ce qu'elle peut, mais il est temps de travailler avec toute la chaîne du livre (notamment la logistique) sur la nécessité de bannir le plastique et le conditionnement des colis qui génère encore trop de gâchis.

 

Si vous aviez 5 livres à nous conseiller, quels seraient-ils ?

 

Pour l'exercice, je vais me cantonner à la BD...

- Une BD jeunesse : Ecoline, de Stephen Desberg et Ana Teresa Martinez Alanis, aux éditions Bamboo

- La trilogie Un monde en pièces de Gaspard & Ulysse Gry, aux éditions Presque Lune. Un vrai tour de force !

- Grand Silence de Théa Rojzman et Sandrine Revel aux éditions Glénat. Bouleversant !

- Ladies with guns De Olivier Bocquet et Anlor aux éditions Dargaud

- La Couleur des choses de Martin Panchaud, éditions Ça et là. Un coup de cœur bien avant son prix à Angoulême.