Gueule demi

Gueule demi est l’histoire d’un jeune homme, assistant d’un peintre du Nord de
la France au début du xxe siècle. Le vieux maître a recueilli cet enfant
trouvé et en a fait son homme à tout faire – valet, cuisinier, porteur,
silencieux et docile compagnon quotidien. Un jour, le peintre voyage dans le
Sud ; le garçon reçoit comme une déflagration sa première vision de la mer.
Dès lors, une certitude : c’est près de ce bleu qu’il veut vivre. C’est aussi
là que, fugitivement, il découvre l’amour et la sensualité grâce à Agnès. Il
prend alors conscience de ce qui l’habite depuis toujours : le manque. En
secret, il s’engouffre dans la seule activité qui l’aide à le circonscrire –
la peinture. À la mort de son maître, il retourne dans le Sud et s’installe
dans une cabane face à la mer. Mais un faux pas le jette au fond d’un ravin,
arrachant la moitié de son visage et en faisant à jamais celui qu’on surnomme
en chuchotant « Gueule demi ». Proscrit, exclu de la société des hommes, il
s’obstine dans sa quête d’expression de la beauté et de la sensation : la
nature, ses couleurs et les émotions qu’elles provoquent ne mentent pas.
L’Envolée, jeune fille de conte de fées qui vit par procuration sans sortir de
son lit, saura reconnaître le don qui anime les portraits de Gueule demi :
celui de capter, sur le motif et au plus juste, l’étincelle d’humanité qui
frémit en chacun, sans l’enfermer. Gueule demi est un roman habité, sensitif,
où les crevasses où chutent les personnages sont à l’image des gouffres que la
vie a ouverts en eux : un livre sur l’épine du manque, dont la blessure oblige
à trouver des façons de le combler ou, au moins, de l’exprimer. Comment
survivre à notre insatiable besoin de consolation ? La création est une
réponse – pauvre sans doute, mais la seule qui vaille pour certains. L’art,
dans son impuissance et son ardeur, son ambition et sa faiblesse, est un mode
de survie face au manque d’amour. La moitié arrachée du visage du héros est à
l’image de cette éternelle béance ; mais, loin de la lamentation, le roman est
une ode aux pouvoirs de l’imagination créatrice, une mystique de l’être au
monde et des passerelles entre le visible et l’invisible, une pure pépite
d’émotion à vif. Benoît Reiss est né à Lyon en 1976. Il a vécu au Japon et
habite aujourd’hui en Haute-Loire où il est par ailleurs codirecteur des
éditions Cheyne. Il est l’auteur de dix ouvrages qui explorent la poésie et le
roman.